La crise ukrainienne aura des conséquences économiques durables, dit la Caisse

MONTRÉAL — La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) affiche un rendement de 13,5 % en 2021, dépassant son indice de référence. Le bas de laine des Québécois aborde toutefois l’année 2022 avec prudence tandis que l’invasion de l’Ukraine vient assombrir encore plus l’horizon économique où pointait déjà une poussée de l’inflation. 

Son portefeuille dépasse ainsi son indice de référence, dont le rendement s’est établi à 10,7 %. Sur cinq et dix ans, il affiche un rendement de 8,9 % et 9,6 %, respectivement. 

Le président et chef de la direction de la CDPQ, Charles Emond, a reconnu que la journée du dévoilement des résultats tombait, jeudi en avant-midi, à un moment de grande incertitude tandis que la Russie envahit l’Ukraine. 

«C’est un contexte particulier pour annoncer des résultats records, mais en même temps, je pense qu’on a des raisons d’être très fiers de ces résultats-là. C’est important que les gens sachent que leurs épargnes-retraites vont bien.»

Questionné au sujet du conflit ukrainien, M. Emond a dit s’attendre à ce que les conséquences qu’il entraîne se fassent ressentir de manière «durable». La hausse du prix du gaz naturel en Europe, la hausse des prix du pétrole, l’accélération de l’inflation et la pression sur la croissance mondiale font partie des impacts possibles, a-t-il donné en exemple. «La toile de fond, qui est déjà complexe, va peut-être passer de complexe à compliquée.» 

Cette crise géopolitique arrive dans un contexte économique déjà difficile, ajoute Vincent Delisle, chef des marchés liquides de la CDPQ. Il souligne que la Caisse avait déjà anticipé une plus grande volatilité des marchés et qu’elle avait adopté une approche plus prudente dans sa stratégie boursière et dans le marché obligataire. «Ça arrive à un moment où l’économie avait déjà à négocier des pressions inflationnistes importantes.»

M. Emond a aussi été questionné sur les placements de l’institution en Russie. En décembre 2020, son portefeuille contenait des sociétés sur la liste noire du Canada depuis 2014, en raison de l’invasion de la Crimée par la Russie, révélait le quotidien «La Presse» la semaine dernière. 

La Caisse respectait la loi, car ses actifs étaient en portefeuille avant l’annonce des sanctions. M. Emond a dit que toutes les entreprises sanctionnées avaient été vendues. 

En plus de gérer activement son portefeuille boursier, la Caisse utilise également des stratégies indicielles, dont le portefeuille reproduit le contenu d’un indice boursier. Certains indices internationaux contiennent des entreprises russes. «Il est impossible de ne pas s’y exposer, la Russie est dans le monde.» 

La Caisse a contacté les sous-traitants responsables de ses stratégies indicielles pour voir comment «corriger la situation». «Il n’y a pas d’intérêt, là, à investir directement et à s’exposer aux stratégies par rapport à la Russie.»

Redressement immobilier

Le portefeuille immobilier, pour sa part,a donné des signes de redressements, deux ans après l’annonce d’unrepositionnement dans ce secteur. La stratégie est de réduire l’exposition aux centres commerciaux et aux tours à bureaux traditionnelles pour cibler des secteurs «porteurs» comme la logistique, le résidentiel et les sciences de la vie. 

En 2021, Ivanhoé Cambridge, la division immobilière de la Caisse, a réalisé plus de 104 transactions. Elle a vendu pour 6,9 milliards $ d’actifs et a réalisé des investissements de 11,9 milliards $. Cela représente «à peu près» deux transactions par semaine, a illustré Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction d’Ivanhoé Cambridge.  

Les actifs immobiliers ont généré un rendement de 12,4 % en 2021, comparativement à celui de 6,1 % de son indice de référence. Il s’agit de la meilleure performance depuis 2015. 

Cette catégorie d’actifs continue de sous-performer sur un horizon de cinq ans, avec un rendement de 1,5 %. La direction attribue ses difficultés à l’impact de la pandémie et des mesures de confinement sur les centres commerciaux et les immeubles de bureaux. 

Le rebond du portefeuille immobilier ne traduit «aucunement» une revalorisation des propriétés dans les segments des centres commerciaux et des tours à bureaux malmenés durant la pandémie, répond Mme Palladitcheff. «Malheureusement, non: il n’y a pas eu de revalorisation de ces actifs-là. La création de valeur qu’on affiche aujourd’hui vient exclusivement des secteurs vers lesquels on avait décidé de s’orienter de manière plus agressive.»

L’actif net de la Caisse atteint 420 milliards $ au dernier jour de l’exercice 2021, comparativement à 365 milliards $ à la fin de l’année 2020. 

La taille de l’actif total de l’institution au Québec a augmenté de 10 milliards $ pour s’établir à 78 milliards $. De ce chiffre, 60 milliards $ se trouvent dans le secteur privé. 

Les dépenses d’exploitation de la Caisse représentaient 0,23 % de son actif en 2021.