Un groupe pour les personnes endeuillées par suicide
Tous les mardis soirs depuis deux ans, des intervenants du Centre de crise et de prévention du suicide du Haut-Richelieu-Rouville (CCPSHRR) accueillent, pendant deux heures, des personnes endeuillées par le suicide. Celles-ci peuvent discuter de leurs sentiments, sans jugement, dans une ambiance détendue.
Les intervenants du groupe pour personnes endeuillées par suicide définissent le suicide comme un changement qui s’est imposé, mais qui n’est pas choisi. Il s’agit, pour eux, d’une situation de colère ou d’impuissance.
« C’est comme une bombe qui explose. Tu as les effets collatéraux de cette bombe. Comme endeuillé, tu as les contrecoups de quelque chose qui ne t’appartient pas », illustre Alexandre Papillon, intervenant au CCPSHRR.
Les avantages
Le groupe permet aux endeuillés d’avoir accès à un espace sans jugement. Les personnes y assistent pour exprimer les regrets, la peur et la colère en lien avec le processus de deuil. Les intervenants expliquent qu’au quotidien, ces personnes ont de la difficulté à parler du suicide qui est un sujet très lourd. Le groupe leur offre un moment pour se reconnaître et se voir à travers l’autre.
« Chaque rencontre est différente autant pour les intervenants que pour les assistants. Plusieurs font aussi le deuil de la personne qu’ils ont été versus la personne qu’ils sont aujourd’hui. Les personnes qui vivent ce genre d’expérience ont souvent besoin de revenir aux sources ou retourner dans leurs bases fondamentales. Ils parlent du décès de la personne, mais aussi des changements que ç’a amenés à leur quotidien. La rencontre est un espace où on est en constante adaptation, car on ne sait jamais si les gens vont arriver », raconte Johannie Camiré, intervenante au CCPSHRR.
À ce sujet, Mme Camiré ajoute que cet espace est très enrichissant et parfois empreint de fortes émotions. Elle relate cette anecdote où l’un des assistants représentait son proche décédé par un ballon gonflé à l’hélium qu’il tenait dans la main. Il le gardait ainsi sans cesse à proximité de lui. Un jour, il a expliqué au groupe qu’il avait décidé d’enfin laisser aller le ballon. « C’est une image qui est restée gravée dans nos têtes. Ç’a fait vivre tellement d’émotions au groupe. La personne a décidé de reprendre le contrôle et de pratiquer le laisser-aller », affirme-t-elle.
Nouveau groupe, nouveau format
Créé en 2001, le groupe de personnes endeuillées par suicide est né pour répondre à un besoin qu’ont manifesté des usagers de l’organisme communautaire. Le groupe, qui n’accueillait que les usagers jusqu’à la pandémie, s’est transformé et a ouvert ses portes en 2023.
Il propose maintenant une mécanique différente et fonctionne de manière ouverte en accueillant les personnes qui souhaitent y assister sans toutefois être tenues de respecter une assiduité. Elles peuvent ainsi participer aux rencontres à leur rythme et selon leur besoin.
« Je pense que le groupe ouvert répond à un besoin, celui d’être compris. Pendant une rencontre, un intervenant peut amener plein de choses, mais, à un moment donné, tu as besoin de quelque chose d’autre que l’éducation. Tu as besoin de quelqu’un qui comprend ce que tu vis. Quand la magie opère par elle-même, les intervenants prennent moins de place. Certaines personnes sont prêtes à parler, d’autres écoutent en silence. Chaque personne a une personnalité, une histoire, donc chacun vit son processus. Il y a des personnes qui arrêtent de venir, car ça va mieux, mais elles savent qu’elles peuvent revenir au besoin et ça les rassure », expliquer Lydia Therrien, intervenante au CCPSHRR.
Pour y participer, il faut habiter dans le Haut-Richelieu-Rouville, être majeur et avoir perdu un proche par suicide. Les personnes de moins de 18 ans qui ont besoin d’un suivi pour deuil peuvent appeler au 450 348‑6300 et demander un rendez-vous avec l’un des intervenants du centre.