Invasion de l’Ukraine: Justin Trudeau annonce de nouvelles sanctions contre Moscou

OTTAWA — Le Canada impose de nouvelles sanctions économiques à l’encontre de la Russie, prévient que d’autres actions fermes sont à venir et assure que les demandes d’immigration d’Ukrainiens tentant de fuir la zone de conflit sont traitées en priorité.

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé, jeudi après-midi, que 58 individus et entités seront ciblés avec les mesures économiques, notamment des banques russes et des membres de l’élite de Moscou et leurs proches.

«La réalité, c’est que la meilleure façon pour nous de démontrer à Vladimir Poutine qu’il a fait une grave erreur en violant les principes de droit qui nous régissent comme monde depuis bien des décennies, c’est en s’assurant qu’il ne profite pas (ou) ne bénéficie pas de cette erreur monumentale qu’il a faite en envahissant un pays souverain», a-t-il tonné.

Les membres du Conseil de sécurité russe, comme les ministres de la Justice, des Finances et de la Défense seraient aussi visés par des mesures économiques.

Tous les permis d’exportation vers la Russie sont également annulés et aucun nouveau permis ne sera délivré jusqu’à nouvel ordre, a également annoncé M. Trudeau.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a précisé que cette mesure représente un impact de plus de 700 millions $ et touche notamment des compagnies dans les secteurs de l’aérospatiale et des technologies de l’information.

«Aujourd’hui, c’est un premier ensemble de sanctions très important, un des plus importants (pour) tous nos alliés. Mais ce n’est que le début. Il va y avoir d’autres sanctions», a prévenu la ministre.

Elle a souligné que chaque action qui sera prise par le Canada le sera de façon coordonnée avec ses alliés afin d’éviter toute échappatoire dont pourraient profiter les acteurs du régime de Vladimir Poutine.

Appelé à indiquer si c’est par peur de représailles qu’Ottawa n’a pas encore annoncé d’intervention militaire plus musclée, le premier ministre Trudeau a répondu à un journaliste que le Canada se tient uni avec ses partenaires du G7 face aux menaces du régime russe.

«On a contribué à la réponse militaire avec des armements qu’on a envoyés et qui sont présentement dans les mains de l’armée ukrainienne pour se défendre contre cette invasion russe», a aussi ajouté M. Trudeau.

La ministre de la Défense, Anita Anand, a ensuite souligné que les opérations UNIFIER et REASSURANCE des Forces armées canadiennes sont dédiées, respectivement, à la «formation» et à la «dissuasion».

Il ne reste en fait plus aucun militaire canadien en sol ukrainien, a indiqué le vice-amiral Bob Auchterlonie, du Commandement des opérations interarmées du Canada, lors d’une séance d’information en après-midi.

Des mesures en immigration

Le Canada a aussi annoncé, jeudi, de nouvelles mesures visant à accélérer le traitement de dossiers d’immigration d’Ukrainiens tentant de fuir la guerre. On souhaite aussi répondre rapidement aux besoins des résidents permanents et citoyens canadiens pris en Ukraine.

Le premier ministre Trudeau a signalé qu’une ligne téléphonique d’urgence a été mise sur pied pour toutes ces personnes directement touchées par l’invasion en Ukraine.

Des documents de voyage seront fournis en toute urgence aux Canadiens, résidents permanents et à leur famille, a-t-il indiqué.

Le délai pourrait être d’aussi peu que «24 heures», a indiqué Nicole Giles, la sous-ministre adjointe des opérations chez Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Et les autres types de demandes d’immigration sont placées en «tête de liste» afin qu’elles soient traitées plus rapidement.

Au cours des dernières semaines, 2000 demandes d’asile ont été approuvées, a indiqué la haute fonctionnaire, qui a refusé de révéler si le gouvernement a fourni à son ministère une cible à atteindre.

Questionnée à savoir quelles mesures différentes seront prises pour ne pas revivre les lenteurs de l’accueil de réfugiés afghans depuis la prise de pouvoir des talibans l’été dernier, Mme Giles a soutenu que «la situation en Ukraine, c’est différent» et qu’en Afghanistan IRCC a rencontré une foule d’«obstacles qui ne sont pas présents dans d’autres efforts de réinstallation ou d’immigration à grande échelle».

Par ailleurs, le Canada a annoncé qu’il suspendait les activités de son ambassade et de son consulat en Ukraine. Le personnel diplomatique a été déplacé en Pologne où il est en sécurité.

Plus tôt jeudi, la ministre Joly a convoqué l’ambassadeur de la Russie au Canada pour le semoncer après l’invasion de l’Ukraine par son pays.

«Je lui ai expliqué fermement, droit dans les yeux, exactement quelle était la position du Canada. (…) Le message a été bien compris et nous allons continuer de monitorer la situation. Mais (…) le lien de confiance entre le Canada et la Russie est rompu au moment où on se parle», a tranché la ministre en point de presse, par après.

L’ambassade de Russie à Ottawa a publié jeudi soir une déclaration provocante défendant la position de son gouvernement, affirmant que l’Occident tentait de transformer l’Ukraine en «anti-Russie».

«L’évolution de la situation politico-militaire et la dynamique de la posture militaire de l’OTAN en Europe ont créé un danger clair et immédiat pour la Russie qui n’aurait pu être atténué par aucun autre moyen que ceux que la Russie doit utiliser aujourd’hui», indique le communiqué.

«Les tentatives de l’Occident de transformer l’Ukraine en une sorte d' »anti-Russie » ne réussiront pas.»

Les chefs des oppositions condamnent aussi 

Quelques heures avant l’annonce d’Ottawa, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a appelé à des sanctions immédiates «les plus sévères imaginables» pour arrêter les violences menées par le président Vladimir Poutine. 

«Il faut étouffer l’économie russe carrément, sans cela, il ne reculera pas. Il faut le faire au point où son amitié toute récente et probablement éphémère avec la Chine ne suffira pas à compenser parce que, sur une base purement militaire, il n’y a jamais d’avenir», a déclaré M. Blanchet, de passage à Québec pour rencontrer le maire Bruno Marchand. 

Selon le chef bloquiste, il faut d’abord sortir les Russes de l’Ukraine avant d’envisager d’accueillir des réfugiés ukrainiens au Canada. 

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a plutôt invité Ottawa à tout faire en son possible pour accueillir ceux qui tentent de fuir la zone de conflit.

«On doit éviter ce qui s’est passé avec l’Afghanistan où les gens ont essayé de partir du pays, mais ils n’ont pas eu les moyens d’arriver parce que le système était trop compliqué», a-t-il dit.

De leur côté, les conservateurs ont diffusé une déclaration écrite de leur cheffe intérimaire, Candice Bergen, qui condamne «l’agression méprisable» menée par Vladimir Poutine.

« Les autocrates comme Poutine doivent être et seront jugés sévèrement. Les conservateurs sont prêts à défendre l’ordre international fondé sur des règles contre ces graves violations du droit international », a ajouté Mme Bergen.