« Nous sommes tous Ukrainiens », déclare le chargé d’affaires ukrainien au Canada

OTTAWA — Alors que le monde regardait la guerre arriver en Ukraine, Andrii Bukvych entendait des témoignages de sa famille et de ses proches à Kiev. Sa mère, sa sœur et son fils ont pu entendre les explosions, tandis que des amis ont vu des hélicoptères russes au-dessus de leur tête alors que des colonnes de chars avançaient vers la capitale.

« Ironiquement, cela ressemble à une émission de télévision Netflix avec une histoire alternative. Mais le problème est que c’est quelque chose de réel qui se passe en ce moment », a déclaré M. Bukvych, chargé d’affaires à l’ambassade d’Ukraine au Canada, lors d’une entrevue à Ottawa jeudi.

L’envoyé ukrainien a appelé le Canada et ses alliés à faire tout ce qu’ils peuvent pour arrêter l’invasion de son pays par la Russie, sinon la « Troisième Guerre mondiale » les attend.

M. Bukvych a souligné que l’Ukraine voulait voir le gouvernement canadien et l’Occident imposer des sanctions paralysantes et couper les relations diplomatiques. Il aimerait également que l’OTAN impose une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine pour empêcher les bombardements aériens russes.

M. Bukvych pense que le président russe Vladimir Poutine pourrait déployer son armée vers des pays de l’OTAN tels que la Pologne et les pays baltes s’il n’est pas arrêté maintenant.

« Nous comprenons que l’économie mondiale libre des économies occidentales paiera un lourd tribut pour avoir dissuadé la Russie, pour avoir soutenu l’Ukraine, a précisé M. Bukvych. Mais je crois que ce bilan est encore bien moindre que la Troisième Guerre mondiale, qui aura inévitablement lieu à moins que Poutine ne soit arrêté en Ukraine. »

Selon M. Bukvych, l’invasion russe a marqué le jour où « une nouvelle page de l’histoire de l’humanité » s’écrivait, un chapitre qui a marqué la fin de trois quarts de siècle de paix relative dont le monde a joui au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

La guerre avait engendré la création d’institutions internationales telles que les Nations unies, l’alliance militaire de l’OTAN et le système financier et commercial mondial, un ordre international fondé sur des règles que le Canada a aidé à créer afin d’éviter un autre conflit mondial massif.

M. Bukvych estime que le temps est maintenant revenu aux années 1930 lorsque le dictateur russe Joseph Staline a cherché à exterminer les Ukrainiens soviétiques par la famine — l’Holodomor — qui a tué 3,5 millions d’entre eux. Le Canada considère l’Holodomor comme un génocide et M. Bukvych espérait que cela ne se reproduirait plus dans son pays.

« Cela me frappe encore que cela survient en ce moment, au XXIe siècle, a témoigné M. Bukvych. Les enfants ukrainiens portent désormais des badges avec leur groupe sanguin sur leur manche afin que, si quelque chose leur arrive, ils puissent être aidés dans les hôpitaux… Nous parlons également maintenant de génocide et de catastrophe pour l’humanité. »

La vice-première ministre Chrystia Freeland, qui est d’origine ukrainienne et a été interdite par Vladimir Poutine de voyager en Russie parce qu’elle a écrit des critiques à son sujet dans sa carrière prépolitique de journaliste, dit que l’actuel président russe sera tenu en infamie.

« L’histoire jugera le président Poutine aussi durement que le monde le condamne aujourd’hui. Aujourd’hui, il cimente sa place dans les rangs des dictateurs européens honnis qui ont causé un tel carnage au XXe siècle », a déclaré Mme Freeland.

Mme Freeland a ajouté que « les horribles coûts humains de cette invasion cruelle sont la responsabilité directe et personnelle de Vladimir Poutine, qui a choisi d’envahir une démocratie souveraine et de défier l’ordre international fondé sur des règles ».

Lors d’une conférence de presse plus tard, il a été demandé à Mme Freeland si elle pensait que l’invasion russe marquait la fin de l’ordre d’après-guerre, comme l’a suggéré M. Bukvych.

« C’est possible, a-t-elle répondu. C’est un défi extrêmement sérieux à cet ordre (international). Et si la Russie réussit, alors cet ordre sera violé. Et nous ne pouvons pas laisser cela se produire. »

Elle a dit que si cela se produisait, ce serait « dévastateur pour le monde. Et ce serait vraiment mauvais pour le Canada. Le Canada a été l’un des pays qui a bâti l’ordre international fondé sur des règles après la Seconde Guerre mondiale. Les Canadiens se sont battus et sont morts pour bâtir cet ordre. »

M. Bukvych a déclaré que tous les Canadiens, leurs dirigeants politiques et «tout le monde libre» doivent comprendre le signal d’alarme qui s’est produit. Il a dit qu’il appréciait l’élan de soutien d’un pays où 1,3 million de Canadiens d’origine ukrainienne ont planté des racines.

« Et cette fois, a-t-il ajouté, je veux que chaque Canadien soit Ukrainien parce qu’être Ukrainien en ce moment, être avec l’Ukraine en ce moment, cela signifie que vous vous battez pour votre liberté. »