Cyberintimidation d’Amanda Todd: appel pour réduire la peine

AMSTERDAM — La peine de 13 ans prononcée par un tribunal canadien à l’encontre d’un cyberintimidateur néerlandais dans une affaire tristement célèbre impliquant une adolescente canadienne qui s’est suicidée en 2012 devrait être réduite à quatre ans et demi aux Pays-Bas, a plaidé jeudi un procureur à Amsterdam.

Une requête qui a agréablement surpris la mère d’Amanda Todd, qui, «considérant les lois néerlandaises», s’attendait à une peine sans emprisonnement. 

Aydin Coban a été reconnu coupable en août dernier par un jury d’extorsion, de harcèlement criminel et d’autres crimes à caractère sexuel, dans cette affaire impliquant Amanda Todd, qu’il avait fait chanter pour qu’elle s’expose devant une webcaméra. 

L’adolescente de 15 ans s’est suicidée après avoir raconté son calvaire dans une vidéo YouTube visionnée par des millions de personnes à travers le monde.

Coban a été condamné à 13 ans de prison en octobre, mais la peine doit être purgée aux Pays-Bas à compter d’août de l’an prochain, lorsqu’il aura purgé sa peine de 11 ans pour d’autres crimes. La peine canadienne doit d’abord être «convertie» pour être conforme au droit néerlandais.

Coban avait déjà été reconnu coupable d’avoir ciblé plus de 30 autres victimes lorsqu’il a été extradé vers le Canada pour être jugé dans l’affaire Todd.

Lors de l’audience jeudi au tribunal de district d’Amsterdam pour convertir la peine canadienne, le procureur général Kasper van der Schaft a indiqué aux juges que les crimes pour lesquels il a été condamné au Canada lui vaudraient aux Pays-Bas une peine de quatre ans. Il a toutefois exhorté les juges à imposer six mois de plus. 

M. Van der Schaft a reconnu que les Canadiens qui connaissent l’affaire Amanda Todd seraient «choqués» qu’une peine de 13 ans imposée au Canada soit réduite à environ le tiers aux Pays-Bas.

L’avocat néerlandais de Coban, Robert Malewicz, a qualifié la peine infligée au Canada d’«exagérément élevée, même selon les normes canadiennes». Il a soutenu que Coban ne devrait pas être condamné à une peine de prison supplémentaire. Mais si ce devait être le cas, elle ne devrait pas dépasser un an, dont six mois avec sursis. 

La mère d’Amanda, Carol Todd, a déclaré qu’elle avait soumis une déclaration de la victime au tribunal néerlandais, mais les avocats de Coban ont choisi qu’elle ne soit pas lue en audience publique. «Je voulais seulement que le tribunal comprenne les comportements de cette personne et la perte d’Amanda et les répercussions dans le monde de l’exploitation», a-t-elle expliqué.

Protéger l’identité de l’accusé

Me Malewicz a critiqué les autorités canadiennes pour avoir divulgué les données personnelles de Coban, affirmant qu’il serait désormais lié à jamais à l’«affaire Amanda Todd». Les autorités néerlandaises ne divulguent pas les noms et prénoms ni d’autres informations permettant d’identifier les suspects dans les affaires criminelles.

«Il sera toujours reconnu, a indiqué son avocat. Pour lui, c’est comme une condamnation à perpétuité.»

Mais Carol Todd estime que Coban doit payer le prix de ses actes. Si son identité n’avait pas été divulguée, «ce serait le protéger — et il s’agit de protéger d’autres enfants», a-t-elle plaidé.

Le tribunal a annoncé qu’il rendrait sa décision le 13 juillet. Cette décision peut toutefois faire l’objet d’un appel devant la Cour suprême des Pays-Bas. 

Carol Todd espère maintenant que les juges tiendront compte de la suggestion du procureur. «Si M. Coban n’obtient rien, cela envoie le message aux prédateurs qu’ils pourraient s’en tirer sans rien payer, surtout s’ils commettent une infraction dans d’autres pays», a-t-elle déclaré.

Amanda Todd avait 15 ans lorsqu’elle s’est suicidée, en octobre 2012, peu de temps après avoir publié une vidéo sur YouTube qui décrivait comment elle avait été tourmentée par un harceleur en ligne.

Elle avait utilisé des cartons sur lesquels elle décrivait son calvaire, dans la vidéo qui a depuis été visionnée par des millions de personnes, mettant en lumière les méfaits du harcèlement en ligne et de la cyberintimidation.

Coban n’a pas été accusé en lien avec son suicide.

Lors de la condamnation de Coban l’année dernière, la juge canadienne Martha Devlin a déclaré qu’il avait ciblé l’adolescente avec son «scénario durable de sextorsion» et que «l’impact grave des infractions sur Amanda était évident pour M. Coban et aurait été évident pour n’importe qui à l’époque». La juge a ajouté que «ruiner la vie d’Amanda était l’objectif expressément déclaré de M. Coban. 

«Malheureusement, il a réussi.»