Des centaines de Russes opposés à l’invasion de l’Ukraine arrêtés

MOSCOU — Des milliers de Russes outrés par l’invasion de l’Ukraine par leur pays ont dénoncé l’opération militaire jeudi en lançant sur les réseaux sociaux des appels émotifs à manifester. Quelque 1702 personnes dans 53 villes russes ont été arrêtées, dont au moins 940 à Moscou.

Des centaines de messages ont afflué pour condamner les actions les plus agressives de Moscou depuis l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979. 

«Je veux demander pardon aux Ukrainiens. Nous n’avons pas voté pour ceux qui ont déclenché la guerre», a déclaré sur Facebook Tatiana Ousmanova, une militante de l’opposition à Moscou, qualifiant l’attaque de «honte».

De nombreux Russes ont signé des lettres ouvertes et des pétitions en ligne demandant au Kremlin de mettre fin à l’assaut, qui, selon les forces ukrainiennes, avait tué plus de 40 soldats et blessé des dizaines.

«L’opinion publique est sous le choc, les gens sont sous le choc», a mentionné l’analyste politique Abbas Gallyamov, à l’Associated Press.

Une pétition, lancée par un éminent défenseur des droits humains, Lev Ponomaviov, a recueilli plus de 150 000 signatures en quelques heures et 289 000 à la fin de la journée. 

Plus de 250 journalistes ont inscrit leur nom sur une lettre ouverte dénonçant l’agression. Une autre a été signée par quelque 250 scientifiques, tandis que 194 membres du conseil municipal de Moscou et d’autres villes en ont signé une troisième.

Plusieurs célébrités et personnalités publiques russes, dont certaines travaillant pour la télévision d’État, se sont prononcées contre l’attaque. 

À Moscou et dans d’autres villes, les autorités ont agi rapidement pour réprimer les voix critiques. Une militante des droits de la personne, Marina Litvinovich, a été détenue à l’extérieur de sa résidence peu de temps après avoir publié sur Facebook un appel à protester. 

OVD-Info, un groupe de défense des droits qui suit les arrestations politiques, a rapporté que 1702 personnes dans 53 villes avaient été arrêtées jeudi soir, dont au moins 940 à Moscou.

La commission d’enquête russe a publié un avertissement jeudi après-midi, rappelant aux Russes que les manifestations non autorisées sont contraires à la loi.

Les défenseurs des droits humains ont mis en garde contre une nouvelle vague de répression contre la dissidence.

Malgré la pression des autorités, plus de 1000 personnes se sont rassemblées dans le centre de Moscou jeudi soir, scandant «Non à la guerre!» tandis que les voitures qui passaient klaxonnaient.

Des centaines de personnes sont également descendues dans les rues de Saint-Pétersbourg et des dizaines à Ekaterinbourg.

«C’est le jour le plus honteux et le plus terrible de ma vie. Je n’ai même pas pu aller travailler. Mon pays est un agresseur. Je déteste Poutine. Que faudrait-il faire d’autre pour que les gens ouvrent les yeux?», a témoigné à l’AP Iekaterina Kuznetsova, un ingénieur de 40 ans qui a rejoint la manifestation à Saint-Pétersbourg.

Entre-temps, la ligne officielle de la Russie est restée intransigeante. La présidente de Conseil de la fédération de la Russie, Valentina Matvienko, a accusé ceux qui se sont prononcés contre l’attaque de ne se soucier que de leurs «problèmes momentanés».

Kirill Zarubine de l’Associated Press a contribué à ce reportage depuis Korolev, en Russie.