HRW accuse Israël de bloquer l’aide destinée aux Palestiniens
RAFAH, Palestine — Israël n’a pas respecté l’ordre de la plus haute cour des Nations Unies de fournir une aide urgente à la population désespérée de la bande de Gaza, a déclaré Human Rights Watch lundi, un mois après qu’une décision historique de La Haye ait ordonné à Israël de modérer sa guerre.
Dans une réponse préliminaire à une pétition sud-africaine accusant Israël de génocide, la plus haute juridiction de l’ONU a ordonné à Israël de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la mort, la destruction et tout acte de génocide à Gaza. Elle n’a pas ordonné la fin de l’offensive militaire qui a provoqué une catastrophe humanitaire dans la minuscule enclave palestinienne. Israël nie avec véhémence les accusations portées contre lui, affirmant qu’il mène une guerre d’autodéfense.
Un mois plus tard et près de cinq mois après le début de la guerre, les préparatifs sont en cours pour qu’Israël étende son opération terrestre à Rafah, la ville la plus au sud de Gaza, le long de la frontière avec l’Égypte, où 1,4 million de Palestiniens ont afflué à la recherche de sécurité.
Tôt lundi, le bureau du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a déclaré que l’armée avait présenté au cabinet de guerre son plan opérationnel pour Rafah ainsi que des plans pour évacuer les civils des zones de combat. Il n’a pas donné d’autres détails.
La situation à Rafah, où des camps de tentes se sont multipliés pour héberger les personnes déplacées, a suscité l’inquiétude de la communauté internationale et les alliés d’Israël ont prévenu que le pays devait protéger les civils dans sa lutte contre le Hamas.
Lundi également, le premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh a annoncé qu’il présentait la démission de son gouvernement. Cette décision, qui doit encore être acceptée par le président Mahmoud Abbas, pourrait ouvrir la voie à des réformes soutenues par les États-Unis au sein de l’Autorité palestinienne, que les États-Unis souhaitent voir gouverner la bande de Gaza après la guerre, mais sous une forme revitalisée.
Dans son arrêt du mois dernier, la Cour internationale de justice a ordonné à Israël de respecter six mesures provisoires, notamment de prendre «des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire dont les Palestiniens de la bande de Gaza ont un besoin urgent, afin de remédier aux conditions de vie défavorables auxquelles ils sont confrontés».
En vertu de ces ordonnances, Israël doit également présenter un rapport sur les mesures prises pour respecter ces mesures dans un délai d’un mois. Alors que lundi a marqué un mois depuis que les ordonnances de la Cour ont été émises, il n’était pas clair dans l’immédiat si Israël avait remis un tel rapport. Le ministère israélien des Affaires étrangères n’a pas fait de commentaire dans l’immédiat.
Human Rights Watch a déclaré qu’Israël ne respectait pas l’ordonnance de la Cour sur la fourniture de l’aide, citant une baisse de 30 % du nombre moyen quotidien de camions d’aide entrant à Gaza dans les semaines qui ont suivi la décision de la Cour. L’organisation a ajouté qu’Israël ne facilitait pas de manière adéquate les livraisons de carburant au nord de Gaza, qui est durement touché, et a reproché à Israël d’empêcher l’aide d’atteindre le nord, où le Programme alimentaire mondial a révélé la semaine dernière qu’il avait été contraint de suspendre les livraisons d’aide en raison de l’aggravation du chaos dans cette partie isolée du territoire.
«Le gouvernement israélien a tout simplement ignoré la décision de la Cour et, d’une certaine manière, a même intensifié sa répression, notamment en bloquant davantage l’aide vitale», a résumé Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch.
Faisant écho à Human Rights Watch, l’Association des agences internationales de développement, une coalition de plus de 70 organisations humanitaires travaillant à Gaza et en Cisjordanie, a déclaré que les livraisons d’aide avaient ralenti depuis la décision de la Cour, presque aucune aide n’atteignant les zones de Gaza situées au nord de Rafah.
Israël nie restreindre l’entrée de l’aide et rejette la faute sur les organisations humanitaires opérant à l’intérieur de Gaza, affirmant que des centaines de camions remplis d’aide sont immobilisés du côté palestinien du principal point de passage. L’ONU affirme qu’elle ne peut pas toujours atteindre les camions au point de passage parce qu’il est parfois trop dangereux.
Le bureau de M. Nétanyahou a également déclaré lundi que le cabinet de guerre avait approuvé un plan visant à acheminer l’aide humanitaire en toute sécurité dans la bande de Gaza, de manière à «prévenir les cas de pillage». Il n’a pas divulgué d’autres détails.
La guerre, lancée après que des militants du Hamas se soient déchaînés dans le sud d’Israël, tuant 1200 personnes, pour la plupart des civils, et prenant environ 250 personnes en otage, a provoqué une dévastation inimaginable dans la bande de Gaza.
Près de 30 000 personnes ont été tuées à Gaza, dont deux tiers de femmes et d’enfants, selon le ministère de la Santé de la bande de Gaza dirigée par le Hamas, qui ne fait pas de distinction entre les combattants et les non-combattants. Israël affirme avoir tué 10 000 militants, sans fournir de preuves.
Les combats ont rasé de larges pans du paysage urbain de Gaza, déplaçant environ 80 % des 2,3 millions d’habitants du territoire qui se sont entassés dans des espaces de plus en plus réduits à la recherche d’une sécurité insaisissable.
La crise a poussé un quart de la population vers la faim et fait craindre une famine imminente, en particulier dans la partie nord de Gaza, qui a été la première cible de l’invasion terrestre d’Israël et où les habitants affamés ont été contraints de manger du fourrage et de chercher de la nourriture dans les bâtiments démolis.
«Je souhaite la mort aux enfants parce que je ne peux pas leur donner de pain. Je ne peux pas les nourrir. Je ne peux pas nourrir mes propres enfants», a crié Naim Abouseido, angoissé, alors qu’il attendait de l’aide dans la ville de Gaza. Qu’avons-nous fait pour mériter cela?»
Bushra Khalidi, de l’organisation humanitaire britannique Oxfam, a déclaré à l’Associated Press qu’elle avait vérifié des informations selon lesquelles des enfants étaient morts de faim dans le nord au cours des dernières semaines ― ce qui, selon elle, indiquait que l’aide n’était pas augmentée en dépit de la décision de justice.
Israël a déclaré que 245 camions d’aide étaient entrés dans la bande de Gaza dimanche, soit moins de la moitié des camions qui entraient quotidiennement dans la bande de Gaza avant la guerre.
Mais Human Rights Watch, citant des chiffres de l’ONU, a répliqué qu’entre le 27 janvier et le 21 février, la moyenne quotidienne des camions entrant dans la bande de Gaza était de 93, contre 147 camions par jour au cours des trois semaines précédant l’arrêt de la Cour internationale de justice. Entre le 9 et le 21 février, la moyenne journalière a encore baissé, passant à 57 camions.
Les organisations humanitaires affirment que les livraisons continuent d’être entravées par des problèmes de sécurité. Les organisations humanitaires françaises Médecins du Monde et Médecins sans frontières ont toutes deux déclaré que des installations leur appartenant avaient été frappées par les forces israéliennes dans les semaines qui ont suivi l’arrêt de la Cour.
Les agences des Nations unies et les organisations humanitaires affirment que les hostilités, le refus de l’armée israélienne de faciliter les livraisons et l’effondrement de l’ordre à l’intérieur de Gaza rendent de plus en plus difficile l’acheminement de l’aide vitale dans la majeure partie de l’enclave côtière. Dans certains cas, des foules de Palestiniens désespérés ont encerclé des camions de livraison et les ont dépouillés.
Les Nations unies ont demandé à Israël d’ouvrir davantage de points de passage, notamment dans le nord, et d’améliorer le processus de coordination.