La saison des prix Nobel approche dans un monde perturbé par la guerre en Ukraine

La saison des prix Nobel de cette année est à nos portes dans un contexte où le monde est perturbé par la guerre en Ukraine, qui a brisé des décennies de paix et accru les risques d’une catastrophe nucléaire.

Les comités Nobel ne donnent jamais d’indices sur ceux qui remporteront les prix de médecine, de physique, de chimie, de littérature, d’économie ou de paix. Tout le monde peut se risquer à deviner les lauréats des prix annoncés à partir de lundi.

Les prix scientifiques récompensent des réalisations complexes au-delà de la compréhension de la plupart. Mais les récipiendaires des prix de la paix et de la littérature sont souvent connus d’un public mondial et les choix – ou les omissions perçues – ont parfois suscité des réactions émotionnelles.

Les membres du Parlement européen ont demandé que le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le peuple ukrainien soient reconnus cette année par le comité du prix Nobel de la paix pour leur résistance à l’invasion russe.

Bien que ce souhait soit compréhensible, ce choix est peu probable, car le comité Nobel a pour habitude d’honorer des personnalités qui mettent fin à des conflits, et non des dirigeants en temps de guerre, a souligné Dan Smith, directeur de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.

M. Smith croit que les candidats les plus probables au prix de la paix seraient des groupes ou des individus luttant contre le changement climatique ou l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), un ancien récipiendaire.

Honorer à nouveau l’AIEA serait reconnaître ses efforts pour prévenir une catastrophe radioactive à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, occupée par la Russie, et son travail dans la lutte contre la prolifération nucléaire, a déclaré M. Smith.

«C’est une période vraiment difficile dans l’histoire du monde et il n’y a pas beaucoup de paix en cours», a-t-il soutenu.

Et la promotion de la paix n’est pas toujours récompensée par un prix Nobel. Mohandas Gandhi, symbole éminent de la non-violence au XXe siècle, n’a jamais été honoré.

Mais l’ancien président américain Barack Obama l’a été en 2009, suscitant les critiques de ceux qui disaient qu’il n’avait pas été président assez longtemps pour avoir un impact digne du Nobel.

Dans certains cas, les lauréats n’ont pas mis en pratique les valeurs de paix.

Pas plus tard que cette semaine, le Vatican a reconnu avoir imposé des sanctions disciplinaires à l’évêque Carlos Ximenes Belo, lauréat du prix Nobel de la paix, à la suite d’allégations selon lesquelles il aurait abusé sexuellement de garçons au Timor oriental dans les années 1990.

Le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a gagné en 2019 pour avoir fait la paix avec l’Érythrée voisine. Un an plus tard, un conflit largement ethnique a éclaté dans la région du Tigré. Certains accusent M. Abiy d’attiser les tensions, qui ont abouti à des atrocités généralisées. Ses détracteurs ont appelé à la révocation de son prix Nobel et le comité Nobel lui a adressé un rare avertissement.

La militante birmane Aung San Suu Kyi a remporté le prix de la paix en 1991 alors qu’elle était assignée à résidence pour son opposition au régime militaire. Des décennies plus tard, elle a été largement critiquée pour avoir échoué à mettre fin aux atrocités commises par l’armée contre la minorité Rohingya, majoritairement musulmane, du pays.

Le comité Nobel n’a parfois pas décerné de prix de la paix du tout. Il les a interrompus pendant la Première Guerre mondiale, sauf pour honorer le Comité international de la Croix-Rouge en 1917. Il n’en a pas distribué de 1939 à 1943 en raison de la Deuxième Guerre mondiale. En 1948, l’année de la mort du Mahatma Gandhi, le Comité Nobel norvégien n’a décerné aucun prix, invoquant l’absence d’un candidat vivant approprié.

Imprévisibilité du prix littéraire

Le prix de littérature, quant à lui, est largement imprévisible.

Peu de gens avaient parié sur le vainqueur de l’année dernière, l’écrivain britannique originaire de Zanzibar, Abdulrazak Gurnah, dont les livres explorent les impacts personnels et sociétaux du colonialisme et de la migration.

M. Gurnah n’était que le sixième lauréat du prix Nobel de littérature né en Afrique, et le prix a longtemps été critiqué pour être trop axé sur les écrivains européens et nord-américains. Il est également dominé par les hommes, avec seulement 16 femmes parmi ses 118 lauréats.

La liste des gagnants possibles comprend des géants de la littérature du monde entier : l’écrivain kenyan Ngugi Wa Thiong’o, le Japonais Haruki Murakami, le Norvégien Jon Fosse, Jamaica Kincaid, originaire d’Antigua, et la Française Annie Ernaux.

Un des candidats est sans contredit Salman Rushdie, l’écrivain né en Inde et défenseur de la liberté d’expression qui a passé des années dans la clandestinité après que les dirigeants cléricaux iraniens eurent appelé à sa mort pour son roman de 1988 «Les versets sataniques».

M. Rushdie, âgé de 75 ans, a été poignardé et grièvement blessé lors d’un festival dans l’État de New York le 12 août.

Les prix décernés à M. Gurnah en 2021 et à la poétesse américaine Louise Glück en 2020 ont aidé le prix de littérature à sortir d’années de controverse et de scandale.

En 2018, la remise de prix a été reportée après que des allégations d’agressions sexuelles eurent secoué l’Académie suédoise, qui nomme le comité de littérature Nobel, et a déclenché un exode de membres. L’académie s’est réorganisée, mais a fait l’objet de plus de critiques pour avoir décerné le prix de littérature 2019 à l’Autrichien Peter Handke, qui a été qualifié d’apologiste des crimes de guerre serbes.

Certains scientifiques espèrent que le prix de physiologie ou de médecine honorera des collègues qui ont joué un rôle déterminant dans le développement de la technologie de l’ARNm, qui a été utilisée dans les vaccins contre la COVID-19 et qui a permis de sauver des millions de vies.

Les annonces du prix Nobel de cette année commencent lundi avec le prix de physiologie ou de médecine, suivi de physique mardi, de chimie mercredi et de littérature jeudi. Le prix Nobel de la paix 2022 sera annoncé le 7 octobre et le prix d’économie le 10 octobre.

Les prix comportent une récompense en espèces de 10 millions de couronnes suédoises (1,2 millions $CAN) et seront remis le 10 décembre.