Les Afghans se ruent en masse pour quitter le Pakistan avant la date limite

PESHAWAR, Pakistan — Un grand nombre d’Afghans se sont entassés mardi dans des camions et des bus au Pakistan, se dirigeant vers la frontière pour rentrer chez eux avant l’expiration du délai fixé par le gouvernement pakistanais pour ceux qui se trouvent illégalement dans le pays. Ils doivent quitter le pays ou risquer d’être expulsés. 

Cette date limite fait partie d’une nouvelle répression anti-migrants qui cible tous les sans-papiers ou les étrangers non enregistrés, selon Islamabad. Cela touche surtout les Afghans, qui constituent la majeure partie des migrants au Pakistan.

La campagne d’expulsion a suscité de nombreuses critiques de la part des agences des Nations unies, des groupes de défense des droits de la personne et de l’administration dirigée par les talibans en Afghanistan.

Les responsables pakistanais préviennent que les personnes qui se trouvent illégalement dans le pays risquent d’être arrêtées et expulsées après le 31 octobre. Les agences des Nations unies affirment qu’il y a plus de 2 millions d’Afghans sans papiers au Pakistan, dont au moins 600 000 ont fui après la prise de pouvoir des talibans en 2021.

L’organisation Human Right Watch a accusé mardi le Pakistan de recourir à «des menaces, des abus et des détentions pour contraindre les demandeurs d’asile afghans sans statut légal» à retourner en Afghanistan. L’organisme de surveillance basé à New York a appelé les autorités à abandonner le délai et à travailler avec l’agence des Nations unies pour les réfugiés pour enregistrer les personnes sans papiers.

Même si le gouvernement insiste sur le fait qu’il ne cible pas les Afghans, la campagne intervient dans un contexte de relations tendues entre le Pakistan et les dirigeants talibans voisins. Islamabad accuse Kaboul de fermer les yeux sur les militants alliés des talibans qui trouvent refuge en Afghanistan, d’où ils traversent la frontière commune des deux pays, longue de 2611 kilomètres, pour organiser des attaques au Pakistan. Les talibans nient ces accusations.

Nasrullah Khan, 62 ans, a déclaré avoir entendu dire que les talibans envisageaient d’aider les Afghans à leur retour du Pakistan. Il a déclaré qu’il n’était pas inquiet de la perspective d’un régime taliban, mais qu’il était quand même «préférable de retourner en Afghanistan plutôt que de se faire arrêter ici».

Les responsables pakistanais ont indiqué que les postes frontaliers de Torkam et Chaman avec l’Afghanistan resteraient ouverts au-delà de leur horaire quotidien qui ferme habituellement à 16h pour permettre à ceux qui y sont arrivés de quitter le pays.

Plus de 200 000 Afghans sont rentrés chez eux depuis le début de la répression, selon des responsables pakistanais. Les agences de l’ONU ont signalé une forte augmentation du nombre d’Afghans quittant le Pakistan avant la date limite.

Le Pakistan a insisté sur le fait que les expulsions seraient effectuées de manière «progressive et ordonnée».

Une délégation talibane s’est rendue mardi à Nangarhar pour trouver des solutions au retour des Afghans par la frontière de Torkham.

Le gouverneur adjoint de la province, Sayed Ahmad Banwari, a déclaré à la télévision d’État que les autorités locales travaillaient dur pour établir des camps temporaires.

M. Banwari a indiqué que les familles qui n’ont nulle part où aller peuvent rester dans les camps pendant un mois jusqu’à ce qu’elles trouvent un endroit où vivre.

La répression a inquiété des milliers d’Afghans au Pakistan qui attendent d’être réinstallés aux États-Unis dans le cadre d’un programme spécial pour les réfugiés depuis qu’ils ont fui la prise de pouvoir par les talibans. Selon les règles américaines, les candidats devaient d’abord s’installer dans un pays tiers – en l’occurrence le Pakistan – pour que leur dossier soit traité.

Un diplomate américain, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat pour discuter de cette politique, a soutenu que la priorité de Washington était de faciliter la réinstallation et la relocalisation sûres et efficaces de plus de 25 000 Afghans éligibles du Pakistan vers les États-Unis.

L’Afghanistan traverse une grave crise humanitaire, en particulier pour les femmes et les filles, à qui les talibans interdisent de poursuivre leurs études au-delà de la sixième année, ainsi que la plupart des espaces publics et des emplois. Il existe également des restrictions pour les médias, les militants et les organisations de la société civile.

Jan Achakzai, porte-parole du gouvernement de la province du Baloutchistan, dans le sud-ouest du Pakistan, a assuré mardi que toute personne détenue en vertu de la nouvelle politique sera bien traitée et sera transportée jusqu’au point de passage frontalier de Chaman.