Slovaquie: un ‘loup solitaire’ a commis l’attentat, dit le ministre de l’Intérieur

BANSKÁ BYSTRICA, Slovaquie — Le ministre slovaque de l’Intérieur a déclaré jeudi qu’un «loup solitaire» avait été inculpé dans la fusillade qui a gravement blessé le premier ministre Robert Fico et a suscité un examen de conscience parmi les dirigeants de cette société profondément divisée.

M. Fico se trouve dans un état grave, mais stable, a annoncé un responsable de l’hôpital, après que le dirigeant populiste ait été atteint de plusieurs balles lors d’une tentative d’assassinat qui a secoué le petit pays et s’est répercutée sur tout le continent quelques semaines avant les élections européennes.

La tentative d’assassinat a choqué ce petit pays d’Europe centrale, et plusieurs l’attribuent en partie à l’extrême polarisation politique qui divise le pays.

Le ministre de l’Intérieur, Matus Sutaj Estok, a déclaré mercredi que l’enquête initiale avait révélé «une motivation politique évidente» derrière l’attaque contre M. Fico, qui assistait à une réunion gouvernementale dans une ancienne ville minière. Toutefois, il a déclaré jeudi que le suspect inculpé était un loup solitaire qui «n’appartenait à aucun groupe politique».

Le ministre n’a pas précisé les motivations de cet acte. M. Fico est depuis longtemps une figure de division en Slovaquie et au-delà, et son retour au pouvoir l’année dernière grâce à un message pro-russe et anti-américain a suscité des inquiétudes encore plus grandes chez les autres membres de l’Union européenne, qui craignent qu’il n’abandonne la voie pro-occidentale suivie par son pays.

La tentative d’assassinat de M. Fico est intervenue à un moment de forte division en Slovaquie, des milliers de manifestants s’étant rassemblés à plusieurs reprises dans la capitale et dans tout le pays pour protester contre sa politique. Elle survient également juste avant les élections de juin au Parlement européen.

Le président sortant et le prochain président de la Slovaquie ― des rivaux politiques ― sont apparus ensemble pour appeler les Slovaques à surmonter leurs divergences politiques de plus en plus tendues pour le bien du pays.

La présidente sortante, Zuzana Caputova, une adversaire de M. Fico, a indiqué jeudi que les chefs des partis politiques du pays se réuniraient pour tenter de ramener le calme, estimant que l’attentat était le reflet d’une société de plus en plus polarisée.

«Sortons du cercle vicieux de la haine et des accusations mutuelles, a déclaré Mme Caputova lors d’une conférence de presse dans la capitale Bratislava. Ce qui s’est passé hier est un acte individuel. Mais l’atmosphère tendue de haine est le fruit de notre travail collectif.»

Le président élu Peter Pellegrini a appelé les partis politiques à suspendre ou à réduire leurs campagnes pour les élections européennes, qui se tiendront du 6 au 9 juin, afin d’éviter «les affrontements et les accusations mutuelles entre les hommes politiques».

«S’il y a quelque chose dont le peuple slovaque a besoin de toute urgence aujourd’hui, c’est au moins d’un accord de base et d’une unité entre les représentants politiques slovaques. Et si ce n’est pas un consensus, alors s’il vous plaît, au moins des moyens civilisés de discuter entre eux», a déclaré M. Pelligrini. 

Le gouvernement de M. Fico, élu en septembre dernier, a suscité la controverse en interrompant les livraisons d’armes à l’Ukraine. Il prévoit aussi modifier le code pénal afin de supprimer le procureur spécial chargé de la lutte contre la corruption et de prendre le contrôle des médias publics. Ses détracteurs craignent qu’il ne conduise la Slovaquie ― un pays de 5,4 millions d’habitants qui appartient à l’OTAN ― sur une voie plus autocratique. 

Les médecins ont pratiqué une opération de cinq heures sur M. Fico, dont le pronostic vital était initialement engagé, selon la directrice de l’hôpital F.D. Roosevelt de Banska Bystrica, Miriam Lapunikova. Il est soigné dans une unité de soins intensifs.

Cinq coups de feu ont été tirés à l’extérieur d’un centre culturel dans la ville de Handlova, à près de 140 kilomètres au nord-est de la capitale, ont indiqué des représentants du gouvernement.

La police slovaque n’a fourni aucune information sur l’identité du tireur. Mais des rapports non confirmés des médias ont suggéré qu’il s’agissait d’un retraité de 71 ans, connu comme poète amateur, et qui aurait travaillé auparavant comme agent de sécurité dans un centre commercial dans le sud-ouest du pays. 

Le Conseil de sécurité de la Slovaquie devait se réunir jeudi à Bratislava, la capitale, pour discuter de la situation, a indiqué un bureau du gouvernement, ajoutant qu’une réunion du cabinet suivrait. 

M. Fico est revenu au pouvoir en Slovaquie l’année dernière, après avoir été deux fois premier ministre. Lui et son parti, le Smer, ont le plus souvent été décrits comme des gauchistes-populistes, bien qu’il ait également été comparé à des hommes politiques de droite tels que le premier ministre nationaliste de la Hongrie voisine, Viktor Orbán. 

Le retour de M. Fico a suscité l’inquiétude de ses détracteurs, qui craignaient que lui et son parti ― longtemps entaché de scandales ― n’éloignent la Slovaquie du courant dominant de l’Occident. Il a promis d’adopter une position ferme à l’égard de l’immigration et des organisations non gouvernementales et a fait campagne contre les droits des LGBTQ+.