Un groupe veut exonérer les ‘sorcières’ du Massachusetts

BOSTON — En 1648, Margaret Jones, une sage-femme, est devenue la première personne du Massachusetts ― et la deuxième en Nouvelle-Angleterre ― à être exécutée pour sorcellerie, des décennies avant le tristement célèbre procès des sorcières de Salem.

Près de quatre siècles plus tard, l’État et la région s’efforcent toujours de faire face à l’ampleur de l’héritage des procès pour sorcellerie.

La dernière initiative en date émane d’un groupe qui s’efforce d’effacer les noms de toutes les personnes accusées, arrêtées ou inculpées de sorcellerie dans le Massachusetts, que les accusations se soient soldées ou non par une pendaison.

Le Massachusetts Witch-Hunt Justice Project, composé de passionnés d’histoire et de descendants, espère persuader l’État de faire un bilan plus complet de son histoire ancienne, selon Josh Hutchinson, le responsable du groupe.

Entre 1638 et 1693, des centaines de personnes ont été accusées de sorcellerie dans ce qui allait devenir le Commonwealth du Massachusetts. La plupart ont échappé à l’exécution.

Si l’on s’est attaché à blanchir les noms des personnes mises à mort à Salem, la plupart de celles qui ont été victimes de procès en sorcellerie au cours des années 1600 ont été largement ignorées, notamment cinq femmes pendues pour sorcellerie à Boston entre 1648 et 1688.

«Il est important que nous corrigions les injustices du passé, a déclaré M. Hutchinson, qui a précisé qu’il comptait des accusateurs et des victimes parmi ses ancêtres. Nous aimerions des excuses pour toutes celles qui ont été accusées, inculpées ou arrêtées.»

Pour l’instant, le groupe a recueilli des signatures pour une pétition, mais il espère porter son affaire devant la chambre législative.

Parmi les personnes accusées de sorcellerie à Boston figurait Ann Hibbins, la belle-sœur du gouverneur du Massachusetts Richard Bellingham, qui a été exécutée en 1656. Un personnage inspiré de Mme Hibbins apparaîtra plus tard dans «La lettre écarlate» de Nathaniel Hawthorne, publié en 1850.

Une autre sorcière accusée de Boston, connue sous le nom de Goodwife Ann Glover ou Goody Glover, a été pendue dans la ville en 1688. Une plaque lui est dédiée sur la façade d’une église catholique du quartier de North End, la décrivant comme «la première martyre catholique du Massachusetts». C’est l’un des rares souvenirs physiques de l’histoire du procès des sorcières de la ville.

Le groupe pour la justice des sorcières a contribué à mener avec succès une action similaire dans le Connecticut, où a été exécutée la première personne pour sorcellerie dans les colonies américaines en 1647 : Alse Young. Le dernier procès pour sorcellerie dans le Connecticut a eu lieu en 1697 et s’est terminé par un non-lieu.

En mai, les sénateurs de l’État du Connecticut ont voté par 34 voix contre 1 pour absoudre 12 femmes et hommes condamnés pour sorcellerie ― dont 11 ont été exécutés ― il y a plus de 370 ans et pour s’excuser de l’«erreur judiciaire» qui s’est produite au cours d’une sombre période de 15 ans de l’histoire coloniale de l’État.

La résolution, qui énumère les neuf femmes et les deux hommes qui ont été exécutés, ainsi que la femme qui a été condamnée et a bénéficié d’un sursis, a été adoptée par la Chambre des représentants par 121 voix contre 30. Comme il s’agit d’une résolution, elle ne nécessite pas la signature du gouverneur.

Pour plusieurs, les événements lointains de Boston, de Salem et d’ailleurs sont à la fois fascinants et personnels. C’est le cas de David Allen Lambert, généalogiste en chef de la New England Historic Genealogical Society.

Il compte son arrière-grand-mère Mary Perkins Bradbury parmi les accusées qui devaient être pendues en 1692 à Salem, mais qui ont échappé à l’exécution.

«Nous ne pouvons pas changer l’histoire, mais nous pouvons peut-être envoyer des excuses aux accusés, a-t-il déclaré. Cela permettrait en quelque sorte de clore le chapitre.»

Le Massachusetts s’est déjà efforcé d’assumer son passé de procès de sorcières ― des procédures qui autorisaient les «preuves spectrales» dans lesquelles les victimes pouvaient témoigner que l’accusé leur avait fait du mal dans un rêve ou une vision.

Ces efforts ont commencé presque immédiatement lorsque Samuel Sewall, juge au procès des sorcières de Salem en 1692-1693, a fait une confession publique dans une église de Boston cinq ans plus tard, assumant «le blâme et la honte» des procès et demandant le pardon. 

En 1711, les dirigeants de la colonie ont adopté un projet de loi visant à blanchir les noms de certaines personnes condamnées à Salem.

En 1957, la législature de l’État a publié une sorte d’excuse pour Ann Pudeator et d’autres personnes qui «ont été inculpées, jugées, reconnues coupables, condamnées à mort et exécutées» en 1692 pour sorcellerie. La résolution déclarait que les procès de Salem étaient «choquants et le résultat d’une vague de peur hystérique du diable au sein de la communauté».

En 2001, la gouverneure en exercice Jane Swift a signé une loi disculpant cinq femmes exécutées lors des procès de sorcellerie à Salem.

En 2017, Salem a inauguré un mémorial pour les victimes. La cérémonie a eu lieu 325 ans après la pendaison de Sarah Good, Elizabeth Howe, Susannah Martin, Rebecca Nurse et Sarah Wildes sur un site de Salem connu sous le nom de Proctor’s Ledge. Dix-neuf d’entre elles ont été pendues pendant le procès des sorcières de Salem, tandis qu’une vingtième victime a été pressée à mort.

En 2022, les législateurs ont innocenté Elizabeth Johnson fille, 329 ans après qu’elle ait été reconnue coupable de sorcellerie en 1693 et condamnée à mort au plus fort du procès des sorcières de Salem. Elizabeth Johnson serait la dernière sorcière accusée de Salem à voir sa condamnation annulée.

D’autres États se sont efforcés de faire face à des histoires similaires.

À Pownal, dans le Vermont, ville limitrophe du Massachusetts et de New York, une cérémonie d’inauguration a eu lieu le mois dernier pour la pose d’une borne historique reconnaissant la survivante du seul procès de sorcière enregistré dans le Vermont. La veuve Krieger aurait échappé à la noyade dans la rivière Hoosic lors de son procès pour sorcellerie en 1785, selon le panneau «Legends and Lore».

Les accusateurs croyaient que les sorcières flottaient, mais Mme Krieger a coulé et a été sauvée, indique le monument.

La cérémonie d’inauguration du 16 septembre comprenait une marche des sorcières, au cours de laquelle des personnes déguisées en sorcières ont traversé un pont pour se rendre sur le site du monument, le long de la rivière Hoosic.

«Je suis sûre que la veuve Krieger aurait été ravie de participer à notre marche des sorcières aujourd’hui, pour défier ceux qui pensent avoir le droit d’accuser de sorcellerie quelqu’un qui leur semble différent, qui agit différemment ou qui a une personnalité qu’ils trouvent bizarre», a déclaré Joyce Held, membre de la société historique de Pownal, qui a collaboré avec le musée de Bennington pour obtenir la plaque commémorative.