Canada: aide fédérale disponible aux provinces pour des projets d’énergie propre

OTTAWA — Le gouvernement du Canada envisage de réserver des milliards de dollars en crédits d’impôt et subventions pour des projets d’électricité aux seules provinces qui s’engagent à atteindre l’objectif de 2035 pour un «réseau sans émissions».

«Pour accéder au crédit d’impôt, il faudra que nous nous dirigions vers un réseau non émetteur (de GES)», a déclaré mardi le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson.

«Nous sommes en train de mener de vastes consultations, y compris avec les provinces et les territoires, sur la façon dont nous mettrons cela en œuvre en termes de conditionnalité du crédit d’impôt», a-t-il ajouté.

Le budget fédéral a déjà évoqué un nouveau crédit d’impôt remboursable de 15 % pour l’investissement dans l’«électricité propre», qui est destiné aux investissements dans la production, le stockage et le transport interprovincial d’électricité non émettrice.

Mais il existe plusieurs autres nouveaux crédits d’impôt à l’investissement pour la production d’hydrogène, les technologies propres et les systèmes de capture et de stockage du carbone, d’une valeur de dizaines de milliards au cours des 12 prochaines années. Il y a également au moins trois milliards de dollars en subventions pour des projets d’électricité renouvelable et des mises à niveau technologiques afin de rendre le réseau plus efficace.

M. Wilkinson a reconnu que les grilles de carboneutralité seront différentes selon les régions du pays.

«Les provinces et les territoires ont des points de départ différents , a-t-il consenti. Il y aura forcément des parcours différents».

Les détails sur la manière dont cette flexibilité serait obtenue seront précisés dans la réglementation.

«Nous sommes conscients de la nécessité d’une réglementation offrant une flexibilité suffisante. Il doit y avoir une certaine allocation pour la sauvegarde, il doit y avoir une certaine allocation pour les urgences. Nous devons être attentifs aux actifs bloqués», a indiqué le ministre.

Un nouveau document publié mardi par les ministres de l’Énergie, Jonathan Wilkinson, et de l’Environnement, Steven Guilbeault, laisse la porte ouverte pour que les provinces s’engagent à respecter l’échéance de 2035 pour les réseaux électriques non émetteurs afin d’accéder aux crédits et subventions. 

«Nous envisageons certainement cela, a confirmé le ministre Wilkinson à La Presse Canadienne lors d’une entrevue. Il y a des consultations en cours concernant les crédits d’impôt à l’investissement. Nous voulons entendre les gens et nous demander si nous allons imposer des contraintes ou des conditions.»

M. Guilbeault devrait publier la première ébauche de ces règles dès cette semaine. Elle précisera, par exemple, un échéancier pour la fermeture des centrales électriques au gaz naturel ou l’installation de systèmes de captage du carbone.

S’engager à un réseau électrique carboneutre est une décision facile pour six des provinces, qui n’ont pas à remplacer la majeure partie de l’énergie qu’elles produisent déjà. Pour les quatre autres — l’Alberta, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick —, le charbon et le gaz naturel fournissent encore entre 30 % et 85 % de leur électricité. 

«Nous ne tenterons pas l’impossible en matière de production d’électricité dans notre province, déclarait en mai le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe. Nous ne prendrons pas le risque de plonger nos maisons, nos écoles, nos hôpitaux et nos entreprises dans le froid et l’obscurité à cause des caprices idéologiques des autres.»

La Saskatchewan et l’Alberta visent plutôt un réseau non émetteur d’ici 2050. C’est l’année où le Canada vise également à atteindre la carboneutralité, ce qui signifie que toutes les émissions de gaz à effet de serre qui sont encore produites seront captées.

Mais le ministre Wilkinson a insisté: il doit y avoir un lien entre les milliards de dollars offerts et les progrès vers les objectifs du Canada. «La divergence qui existe n’est pas de savoir si nous devrions avoir un réseau sans émission: il s’agit de savoir si nous y arriverons d’ici 2035 ou un peu plus tard.»

Viser plus tôt l’électricité carboneutre est essentiel, car cela libère le potentiel de décarboner de nombreuses autres industries à l’avenir. Les véhicules électriques, par exemple, ne sont non émetteurs que si l’énergie utilisée pour charger leurs batteries provient de sources non émettrices.

Jonathan Wilkinson a félicité l’Alberta pour avoir fait plus que toutes les autres provinces, selon lui, pour accroître sa production d’énergie solaire. La province est également bien en avance sur le calendrier pour le retrait ou la conversion de ses centrales au charbon; la dernière sera convertie avant la fin de cette année.

La première ministre Danielle Smith, cependant, a annoncé la semaine dernière que l’Alberta suspendait les approbations de nouveaux grands projets d’énergie éolienne et solaire pendant six mois, le temps de répondre à des préoccupations concernant notamment l’effet sur les terres agricoles, les paysages et la fiabilité.

Interrogé là-dessus mardi matin, le ministre Guilbeault a qualifié la décision albertaine d’«un peu inexplicable», puisqu’au cours de l’année, selon lui, «70 % des investissements qui ont été faits au Canada dans les énergies renouvelables ont été faits en Alberta».

«Cette décision va à l’encontre de la lutte aux changements climatiques, va à l’encontre de la création d’emplois durables dans sa propre province, a indiqué le ministre en marge d’une annonce à Longueuil. C’est vraiment un ‘success story’ d’un point de vue économique, d’un point de vue création d’emplois, d’un point de vue énergétique.»