Climat: 230 nouvelles poursuites judiciaires dans le monde en 2023

MONTRÉAL — Selon une étude anglaise publiée jeudi, il y a eu l’an dernier 230 nouvelles poursuites judiciaires dans le monde contre des gouvernements ou des entreprises liées au changement climatique. La tendance est à la hausse dans plusieurs pays et le Canada ne semble pas y échapper.

Les États-Unis sont le pays avec le plus grand nombre de poursuites judiciaires liées au changement climatique, avec 1745 cas documentés au total. L’Australie arrive au deuxième rang avec 132 cas identifiés, mais seulement six nouveaux en 2023.

Au fil des ans, entre 35 et 40 cas ont été documentés au Canada par les chercheurs de la «Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment», un centre de recherche de la London School of Economics.

L’influence de causes internationales au Canada

L’étude souligne également que de plus en plus de cours et de tribunaux internationaux sont appelés à se prononcer concernant l’impact des changements climatiques sur les droits de la personne.

Certains de ces procès pourraient influencer des cas au Canada, selon le professeur de droit à l’Université Laval Géraud de Lassus St-Geniès.

«Jusqu’à tout récemment, l’essentiel de ce qu’on appelait le contentieux climatique, donc l’essentiel de ces procès climatiques, avait lieu devant des tribunaux qui étaient nationaux, devant des tribunaux de chacun des États, individuellement», mais «on voit maintenant que ce contentieux climatique acquiert une dimension internationale», a expliqué le professeur de droit.

Par exemple, en avril dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un jugement historique en condamnant pour la première fois un État, la Suisse, pour inaction climatique.

La décision a créé un précédent juridique sur la base duquel les futurs procès pourraient être jugés dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe.

«C’est la première fois qu’une juridiction internationale reconnaît que les États ont l’obligation de protéger les citoyens des effets des changements climatiques» et «ça donne des arguments sur lesquels les plaideurs, au niveau national, peuvent se fonder et développer leurs arguments», a indiqué Géraud de Lassus St-Geniès.

Selon le professeur, des plaideurs canadiens pourraient s’inspirer de cette décision pour faire valoir que «le changement climatique est un problème différent» des «autres types de problèmes environnementaux» et il doit donc être traité de façon spécifique.

«Donc la question de la recevabilité de la plainte, la question du statut de la victime, la question du lien de causalité, toutes ces questions-là doivent faire l’objet d’un traitement spécifique» et «ça ouvre des perspectives extrêmement intéressantes pour les plaideurs qui construisent ce contentieux climatique devant une juridiction canadienne», a expliqué le professeur.

Les principaux cas à surveiller au Canada

En juillet 2022, la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre l’appel de jeunes Québécois qui souhaitaient traduire le gouvernement fédéral en justice pour ses efforts jugés insuffisants dans la lutte contre les changements climatiques.

De jeunes Ontariens, menés par l’activiste Sophia Mathur, ont entrepris des démarches similaires contre le gouvernement de l’Ontario.

Cette affaire a connu un revers en avril 2023 lorsqu’elle a été rejetée par la Cour supérieure de la province, mais la Cour d’appel doit bientôt se pencher sur la cause.

«Ça va être un élément important, parce qu’en fait, la Cour d’appel de l’Ontario va nous dire si la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Ontario est inconstitutionnelle au motif qu’elle violerait l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit le droit à la vie, à la sécurité des individus», a expliqué le professeur de droit Géraud de Lassus St-Geniès.

Dans un autre cas semblable, la poursuite «La Rose c. Sa Majesté le Roi», la Cour d’appel fédérale a accepté, en décembre 2023, que soit entendue la requête de 15 jeunes qui poursuivent le gouvernement canadien pour sa responsabilité dans l’accélération des changements climatiques.

Dans cette poursuite également, «on s’attend à avoir des décisions sur le fond dans les prochains mois», a indiqué le professeur de Lassus St-Geniès.