Des étudiants érigent un campement propalestinien à l’Université de Toronto

TORONTO — Des tentes, des banderoles et des drapeaux sont apparus jeudi au centre du campus du centre-ville de l’Université de Toronto alors que les étudiants installaient un campement pour appeler l’institution à rompre ses liens avec Israël à cause de la guerre en cours à Gaza.

Des étudiants ont affirmé avoir franchi une clôture nouvellement installée autour d’une zone du campus, connue sous le nom de King’s College Circle, tôt jeudi, vers 4h00, pour établir un campement en solidarité avec le peuple palestinien.

Ils ont déclaré qu’ils se joignaient aux étudiants d’autres universités au Canada et aux États-Unis dans la mise en place de campements pour faire pression sur les établissements scolaires afin qu’ils révèlent leurs liens avec le gouvernement israélien et se désinvestissent des entreprises israéliennes.

«Nous prévoyons de rester aussi longtemps que nécessaire pour obtenir nos revendications. Ce que nous faisons ici n’est fondamentalement rien comparé à ce que vivent les Palestiniens», a affirmé Mohammad Yassin, un étudiant de quatrième année ayant des parents dans la bande de Gaza et dans un camp de réfugiés au Liban.

«Ce n’est pas quelque chose de puéril. Nous sommes ici simplement pour faire entendre notre voix. Nous restons fermes et nous voulons que nos revendications soient entendues. Nous voulons que l’université reconnaisse que les étudiants ne sont pas d’accord avec ce qu’elle fait.»

Des militants propalestiniens ont dressé leurs tentes sur des campus à travers le pays ces derniers jours, notamment à l’Université McGill de Montréal, à l’Université d’Ottawa et à l’Université de la Colombie-Britannique. Les manifestations se poursuivaient jeudi sur ces trois campus.

«Complice du génocide»

À Toronto, Erin Mackey, figurant parmi les organisateurs de la manifestation, a fait valoir que des étudiants «de toutes sortes d’horizons, de toutes sortes de religions» étaient sur place, ainsi qu’un certain nombre de professeurs.

«Nous sommes tous solidaires, exigeant que notre université, que nous fréquentons tous, à laquelle nous appartenons tous, ne soit plus complice de ce génocide.»

La Cour internationale de justice enquête pour savoir si Israël a commis des actes de génocide dans la guerre en cours dans la bande de Gaza, et une décision devrait prendre des années. Israël a rejeté les allégations d’actes répréhensibles et accusé le tribunal de partialité.

La campagne militaire israélienne dans la bande de Gaza a été lancée après que des militants dirigés par le Hamas ont fait irruption dans le sud d’Israël, tuant quelque 1200 personnes, pour la plupart des civils, et prenant en otage environ 250 hommes, femmes et enfants. L’offensive israélienne a tué plus de 34 000 Palestiniens, selon les autorités sanitaires locales.

La guerre a provoqué de vastes destructions et entraîné un désastre humanitaire, plusieurs milliers de Palestiniens du nord de Gaza étant confrontés à une famine imminente, selon les Nations unies.

Erin Mackey, qui fait partie du groupe Occupy for Palestine de l’Université de Toronto, a souligné que des étudiants avaient occupé un espace à l’extérieur du bureau du président de l’université il y a quelques semaines et qu’ils avaient finalement pu le rencontrer, mais qu’ils n’étaient pas satisfaits du résultat de cette discussion.

«J’ai passé quatre ans ici et j’ai dépensé beaucoup d’argent en frais de scolarité et j’obtiens mon diplôme, ce qui est vraiment excitant. Mais il y a beaucoup, beaucoup d’étudiants qui sont comme moi (à Gaza) qui devraient simplement obtenir leur diplôme et célébrer, mais malheureusement, ils ne peuvent pas le faire», a fait valoir Erin Mackey.

Jeudi en fin de matinée, des dizaines de tentes pouvaient être vues au centre du King’s College Circle – que les manifestants ont déclaré qu’ils appelaient désormais le Cercle du Peuple pour la Palestine – avec quelques voitures de police et des véhicules de sécurité privés garés à proximité.

Les manifestants ont été informés qu’ils devaient quitter le campement avant 22h, mais le groupe n’a pas l’intention de partir.

Dans un communiqué publié en soirée, l’université a rappelé aux organisateurs de la manifestation qu’ils «n’ont pas notre permission d’être ici après 22 heures». «Cependant, si vos activités restent pacifiques, nous n’avons pas l’intention de vous expulser du campus ce soir», précise l’établissement, ajoutant que «nos inquiétudes concernant la sécurité augmentent».

Commencer par le dialogue

Plus tôt dans la journée, un avis écrit remis aux manifestants indique que l’université respecte le droit de ses membres de se rassembler et de protester, mais que les activités non autorisées telles que les campements «sont considérées comme une intrusion».

L’université a souligné que les activités de protestation «ne doivent pas interférer avec la capacité des étudiants, des professeurs, des bibliothécaires et du personnel à apprendre, enseigner, faire des recherches et travailler».

«Notre préférence est de commencer par le dialogue, a écrit l’Université de Toronto jeudi dans une déclaration aux médias. Ceux qui contreviennent à la politique de l’université ou à la loi risquent les conséquences énoncées dans diverses lois et politiques (…) qui pourraient inclure la suspension.»

Chandni Desai, professeure adjointe à l’université, a assisté à la manifestation de jeudi pour montrer son soutien. Elle a déclaré que beaucoup de ses étudiants ont été touchés par le conflit.

Un campement de protestation à l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver a presque doublé de taille depuis lundi, le périmètre des barrières sur la moitié d’un terrain de soccer en occupant désormais la quasi-totalité.

Une porte-parole du groupe déclarait jeudi que jusqu’à 80 personnes prévoyaient d’y passer la nuit. Les manifestants semblaient se préparer à un séjour prolongé, avec un petit jardin de plantes en pot et une station artistique surgissant parmi les tentes.

Ailleurs en Colombie-Britannique, l’Université de Victoria a annoncé dans un communiqué que l’établissement fermerait les bâtiments du campus à partir de 17h jusqu’à 7h tous les jours à cause de la présence du campement.

L’université a déclaré qu’elle maintiendrait également certaines entrées des bâtiments verrouillées tout au long de la journée «afin de minimiser les perturbations» et d’assurer la sécurité de la communauté universitaire.