Des municipalités québécoises veulent garder leur statut de ville bilingue

MONTRÉAL — La nouvelle loi linguistique québécoise permet à plusieurs dizaines de municipalités québécoises de conserver leur statut de ville bilingue tandis qu’un seul un très petit nombre pourrait l’abandonner.

Près de 90 municipalités sont considérées comme officiellement bilingues. Ce statut leur permet d’offrir des services, de communiquer et d’afficher dans les deux langues officielles du pays. Les villes n’ayant pas ce statut ne peuvent communiquer qu’en français, avec quelques exceptions.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi 96, le statut de ville bilingue d’une municipalité peut être révoqué si l’anglais est la langue maternelle de moins de 50 % de sa population. Toutefois, elle peut conserver ce statut si le conseil municipal adopte une résolution dans les 120 jours après avoir reçu un avis au sujet de sa population de l’Office de la langue française.

Pour Scott Pearce, le maire du canton de Gore, dans les Laurentides, la décision de demeurer bilingue a été facile à prendre.

«Notre ville a été fondée par des Irlandais dans les années 1800. La langue et la culture anglaises font partie de notre histoire», dit-il.

Le canton de Gore compte un peu plus de 1700 habitants. Le pourcentage d’anglophones a dégringolé de plus de 50 % à environ 20 %. Toutefois, il assure que la décision de maintenir le statut bilingue de la municipalité a été aussi populaire dans les communautés anglaise que française. «[La langue] n’a jamais été un enjeu ici», lance M. Pearce. 

Scott Pearce, qui représente les municipalités bilingues au sein de la Fédération québécoise des municipalités, dit que de nombreux maires comptent présenter des résolutions confirmant le statut bilingue de leur ville, si ce n’est pas déjà fait.

Si la loi fait l’objet de maintes critiques de groupes représentant les anglophones, le maire du canton de Gore croit que le gouvernement a fait une faveur aux municipalités en leur donnant un moyen facile de formaliser leur statut.

M. Pearce, dont la femme est la députée caquiste d’Argenteuil, dit avoir parlé à plusieurs maires dans l’ensemble de la province. «Ils sont vraiment fiers de leur statut bilingue et du fait que les deux communautés — anglaise et française — s’entendent bien», lance-t-il.

La Presse Canadienne a contacté toutes les municipalités ayant un statut de ville bilingue pour leur demander ce qu’elles comptaient faire. Sur la trentaine qui a répondu, toutes, à l’exception de trois, ont dit avoir l’intention de le conserver. Les autres disent être en train d’examiner la loi ou ont refusé de commenter.

Un porte-parole de l’Office de la langue française a indiqué dans un courriel que les avis seront «bien envoyés» aux municipalités dont le pourcentage d’anglophones est descendu sous la barre des 50 %.

«Une municipalité reconnue comme bilingue doit néanmoins s’assurer que ses services à la population sont disponibles en français, la langue officielle du Québec», a dit Nicolas Trudel.

La décision de conserver le statut de ville bilingue n’a pas fait l’objet de forte contestation dans certaines municipalités.

«Le français est déjà bien protégé, soutient Richard Burcombe, le maire de Lac-Brome, dans les Cantons-de-l’Est. Le gouvernement n’a pas besoin d’éliminer des services à la population anglophone pour protéger la langue française.»

Lac-Brome est passé sous le seul des 50 % d’anglophones, mais la municipalité compte adopter une résolution confirmant son statut bilingue.

Pour Ayer’s Cliff, autre ville dans les Cantons-de-l’Est, le bilinguisme «est essentiel au caractère de [la] municipalité et un testament à la présence historique des deux communautés, l’anglaise et la française».

Otterburn Park, une ville située à une quarantaine de kilomètres à l’est de Montréal, veut conserver son statut même si seulement 5,7 % de sa population est anglophone, selon les données du dernier recensement.

«La population anglophone est largement composée de personnes âgées, explique la mairesse Mélanie Villeneuve. Nous pensons qu’il est important d’offrir des services de qualité aux groupes les plus vulnérables. Il est aussi important de communiquer avec les citoyens anglophones dans la langue de leur choix.»

Certains maires ont exprimé le souhait que leur statut devienne permanent. Ils ne veulent pas devoir adopter des résolutions au conseil après chaque recensement.