Gabriel Nadeau-Dubois démissionne comme porte-parole de QS et ne se représentera pas
MONTRÉAL — «Usé» par les nombreuses crises qui ont secoué son parti dernièrement, Gabriel Nadeau-Dubois démissionne comme porte-parole et chef parlementaire de Québec solidaire. Il terminera son mandat comme député de Gouin et ne se représentera pas aux prochaines élections.
M. Nadeau-Dubois en a fait l’annonce lors d’une conférence de presse, jeudi après-midi, au cours de laquelle il est devenu très émotif en soulignant le soutien de son entourage personnel et politique, se disant néanmoins «aussi serein qu’on peut l’être quand on prend une telle décision».
Le désormais ex-co-porte-parole de la formation politique de gauche n’a pas caché que la résistance des militants solidaires à adopter des positions qui rejoignent davantage la population a eu raison de son enthousiasme comme politicien.
«Je me suis consacré à la construction d’une gauche qui va au-delà de la contestation, une gauche qui est capable de former un gouvernement pour changer la vie des gens du Québec ici et maintenant. J’y ai travaillé de toutes mes forces, mais je dois me rendre à l’évidence: les deux dernières années n’ont pas seulement été dures pour Québec solidaire, elles ont aussi été dures pour moi. Les crises successives ont laissé des traces. L’élan qui me portait depuis 15 ans s’est arrêté. Je suis usé et je ne peux plus continuer dans ces circonstances-là», a-t-il laissé tomber.
Il est allé plus loin lorsque questionné par les journalistes. «Les critiques, ça fait partie de la politique. Quand on se lance en politique, on sait qu’il va y en avoir. Mais c’est sûr que quand elles viennent non pas des gens devant nous, mais des gens autour de nous et derrière nous dans notre parti, c’est sûr que ça fait plus mal. Et oui, ç’a joué un rôle dans ma décision.»
S’il promet de ne pas jouer à la belle-mère en coulisses, il n’en avait pas moins un message à lancer aux militants de Québec solidaire, toujours dans la même optique, disant qu’il faut écouter les gens et non les journalistes, analystes, intellectuels, universitaires et, surtout «ce n’est pas toujours s’écouter entre nous, militants, militantes, élus, députés. C’est écouter le monde qu’on croise au Tim Horton, c’est écouter le monde qu’on croise dans un café, c’est écouter le monde qu’on croise dans la rue en nous disant « Hey! Je ne suis pas d’accord avec ce que tu fais, toi ». Moi j’ai appris beaucoup plus en huit ans de politique à discuter avec les gens que j’en ai appris en une dizaine d’années à l’université. On fait de la politique pour le monde et quand on oublie le monde, on se trompe.»
Il estime avoir toujours ouvert son jeu pour les militants qui ont rejeté son approche. «Les deux dernières années, je ne peux pas les ignorer. Elles me font la démonstration que je ne suis plus la bonne personne pour unir et pour animer ce parti en allant de l’avant. (…) Les Québécois et les Québécoises méritent un parti de gauche uni, animé d’un nouveau souffle. Il faut que ça bouge et je laisse ma place pour permettre à des nouvelles figures d’émerger», conclut-il après mûre réflexion, lui qui était depuis plusieurs mois en congé de paternité après la naissance de sa deuxième fillette.
Il a par ailleurs fermement écarté la possibilité de se présenter au niveau municipal ou fédéral, tout en promettant de poursuivre ses combats. «Je suis toujours aussi allergique aux injustices qu’au premier jour de mon engagement et ça, ça ne changera jamais. Les batailles que j’ai menées durant les 15 dernières années, je vais continuer de les mener. Je vais le faire différemment, mais je vais le faire. Je ne sais pas encore exactement comment je vais le faire, mais je vais le faire.»
Gabriel Nadeau-Dubois était une figure de proue du mouvement étudiant de 2012. Il avait fait le virage en politique en 2017, lorsque l’une des premières porte-parole du parti, Françoise David, avait quitté son poste de députée de Gouin, à Montréal.
Il a été élu sans interruption de 2017 à 2022.
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Ils ont dit:
Ruba Ghazal, co-porte-parole de Québec solidaire: «Gabriel a toujours été animé par un objectif clair: faire gagner la gauche au Québec, construire une société plus juste pour tous les Québécois et les Québécoises. Il ne sera peut-être plus notre porte-parole, mais ses combats restent nos combats à Québec solidaire: pour une éducation gratuite, pour la protection de l’environnement, pour nourrir les enfants dans nos écoles, pour un gouvernement éthique qui gouverne dans l’intérêt du peuple plutôt que pour les élites économiques.»
François Legault, premier ministre du Québec: «J’ai toujours respecté Gabriel Nadeau-Dubois, c’est un homme intelligent. Puis c’est un homme, entre autres en privé, qui est très sympathique. Je lui souhaite la meilleure des chances.»
Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec: «Gabriel c’est un chic type. On s’est beaucoup coltaillé à travers les années, lui et moi, mais, c’est un chic type.»
Pascal Bérubé, député du Parti québécois dans Matane-Matapédia: «Je retiens qu’il a choisi l’engagement politique. C’est difficile l’engagement politique. On s’expose à des critiques. C’est parfois compliqué, mais ça mérite toute la considération du monde.»
Jean Boulet, ministre du Travail: «J’ai du respect pour Gabriel Nadeau-Dubois. Je pense que son parcours politique ici à l’Assemblée nationale, là où je l’ai côtoyé, les dossiers dans lesquels j’ai eu l’occasion de travailler avec, me démontrent que c’est un bon parlementaire. Il a plein de qualités.»
Martine Biron, ministre des Relations internationales et de la Francophonie: «Il était très bon en Chambre. Je l’ai suivi quand il était avec la CLASSE, durant la crise étudiante, et il était un bon leader, alors je suis presque certaine que ce n’est qu’un au revoir et que nous le reverrons.»