Hydrocarbures: pas une indemnisation, une «confiscation», selon l’AEQ

QUÉBEC — Le gouvernement Legault s’apprête à laisser dormir entre 45 et 200 milliards $ de gisements dans son sous-sol en renonçant à l’exploitation des hydrocarbures au Québec, dénonce l’Association de l’énergie du Québec, qui regroupe les entreprises pétrolières et gazières. 

Ce chiffre semble «farfelu» toutefois, de l’avis d’un expert de l’Université Laval, selon lequel il est courant de formuler des réclamations «extrêmement gonflées». 

Dans son mémoire, l’AEQ s’oppose aussi à l’indemnisation de 100 millions $ proposée par le gouvernement, qu’elle associe plutôt à de la «confiscation».

L’AEQ comparaissait mardi au premier jour des consultations sur le projet de loi 21, qui vise à mettre fin aux activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures au Québec, en indemnisant les entreprises.

Nouvelle technologie

Le président de l’AEQ, Éric Tétrault, assure qu’une nouvelle technologie permet d’extraire du pétrole et du gaz du Québec de façon plus propre et sécuritaire.

Il s’agit d’un gaz naturel «presque sans émission» de gaz à effet de serre (GES), a-t-il assuré.

«Le projet de loi condamne le Québec à importer tout son gaz naturel pendant encore très longtemps, en créant trois fois plus d’émissions (de gaz à effet de serre). Ça ne règle rien du point de vue des émissions globales et du point de vue de l’environnement.»

M. Tétrault demande qu’on autorise un projet pilote, et ne «demande pas un sou» au Trésor public.   

Le ministre des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a demandé pourquoi au cours de toutes ces années personne n’a pu exploiter avec profit ces ressources que l’AEQ fait miroiter. 

«Une seule découverte exploitable, 34 barils par jour, et vous nous parlez de milliards?» a demandé le ministre. 

«Le Québec possède des réserves considérables», a répondu le président de l’AEQ, en ajoutant que les «autorisations n’ont pas été faites au gouvernement» pour les exploiter. 

Le président de l’AEQ a soutenu que c’est parce que les autorités n’ont jamais autorisé les entreprises à faire leur travail. 

Des millions et des milliards

Selon M. Tétrault, une compensation de 500 $ millions sur les investissements consentis depuis une trentaine d’années «s’approche de la vérité».

Mais en plus, les milliards de dollars qui sont aussi réclamés, «un chiffre approximatif», correspondent à tous les profits qui ont été perdus depuis une trentaine d’années. 

«Je sens une certaine dose d’agressivité», a dit le porte-parole de l’opposition libérale, Pierre Arcand, concernant les exigences contenues dans le mémoire de l’AEQ. 

La députée Manon Massé, de Québec solidaire, s’est insurgée contre l’indemnisation réclamée par les entreprises.

Le député péquiste de Jonquière, Sylvain Gaudreault, a aussi épinglé l’association, dont le véritable nom inscrit au registre des entreprises est Association pétrolière et gazière.

«Ça en dit long, c’est comme si quelqu’un avait honte de sa vraie nature.»

Indemnisation

Un expert de l’Université Laval, Richard Ouellet, a expliqué qu’en vertu des règles internationales, il faut indemniser les entreprises. 

«Essayer de ne pas indemniser personne, ça me semble utopique», a affirmé le professeur en audience. 

En même temps, il est courant de voir des «demandes extrêmement gonflées», a-t-il ajouté.

Concernant les milliards invoqués par l’AEQ, «le chiffre me semble farfelu». 

Il a ajouté que «si c’était le pactole, il fallait nous le dire avant».  

Pour sa part, le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) soutient qu’il est «légitime» de ne pas indemniser l’industrie, mais prend acte de la volonté du gouvernement Legault de compenser les entreprises pour leurs dépenses. 

«On salue la volonté que ce soit une indemnisation la plus minime possible et prévisible, avec de balises bien intégrées dans une loi», a dit Me Anne-Sophie Doré, du CQDE, dans son témoignage. 

Elle a ajouté que l’indemnisation n’annule pas toutefois le risque de poursuite.