Le poste de commissaire à l’éthique toujours vacant à Ottawa

OTTAWA — Le Canada n’a plus de gardien de l’éthique et des conflits d’intérêts au niveau fédéral depuis maintenant six mois – un poste vacant qui, selon le dernier commissaire, suspend les enquêtes et pourrait permettre aux violations de passer inaperçues.

Mario Dion a pris sa retraite en février après avoir été le dernier commissaire permanent aux conflits d’intérêts et à l’éthique. 

Martine Richard, avocate pour l’organisation depuis 2013, a assumé le rôle par intérim en avril. Elle a toutefois démissionné quelques semaines plus tard en raison de la controverse suscitée par le fait qu’elle est la belle-sœur du ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc. 

Les enquêtes qui seraient normalement menées par un commissaire sont en suspens jusqu’à ce qu’un remplaçant permanent soit trouvé.

M. Dion a déclaré que ce rôle constituait une bonne garantie pour détecter la corruption et que les Canadiens devaient veiller à ce que les instruments dont il dispose soient utilisés. 

«C’est un peu comme les nominations judiciaires. Si vous ne nommez pas de juges, il sera difficile de rendre justice, a illustré M. Dion en entrevue. Cela signifie donc que les choses peuvent rester essentiellement impunies et inaperçues pendant un certain temps jusqu’à ce qu’une nouvelle personne soit nommée.»

Il s’agit de la plus longue période sans commissaire au Canada depuis la création de la version actuelle de ce rôle de surveillance en 2007, à la suite de l’adoption de la Loi sur les conflits d’intérêts.

M. Dion, qui participe au processus d’embauche, estime qu’il n’est pas surprenant qu’aucun candidat n’ait encore été choisi, car le champ d’action est restreint et peu de gens seraient qualifiés pour le poste.

Selon lui, le champ d’action est étroit et peu de gens seraient qualifiés pour le poste, ou même le voudraient. 

En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, le commissaire doit être un ancien juge, un ancien conseiller sénatorial en éthique, un ancien commissaire à l’éthique ou un ancien membre d’un conseil, d’une commission ou d’un tribunal fédéral ou provincial qui possède une expérience pertinente.

Difficile de compiler des preuves

M. Dion a noté que les juridictions provinciales et territoriales ont toutes en place des systèmes de surveillance en matière d’éthique : «Le niveau fédéral est le seul niveau à ce moment-ci qui n’a pas de commissaire à l’éthique.»

L’absence d’un commissaire peut créer un arriéré d’enquêtes, et plus le temps passe, plus il peut être difficile de compiler des preuves liées à une plainte, a-t-il laissé entendre. 

«Donc (les enquêtes) ne sont pas mortes. Elles n’ont pas disparu. Mais elles ne sont pas prises en charge quand elles devraient l’être», a déclaré M. Dion.

Le Bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique n’a pas voulu dire si des enquêtes sont actuellement en attente.

Il a indiqué dans un communiqué que toutes les enquêtes sont menées en privé jusqu’à ce qu’un rapport soit terminé, conformément à la loi.

Le Bureau du Conseil privé, qui est chargé du processus de nomination d’un commissaire, a déclaré que quelqu’un serait nommé par le gouverneur en conseil en temps voulu.

M. Dion a fait savoir que plusieurs candidats l’ont contacté pour en savoir plus sur le poste et qu’il offre toute l’aide possible afin que le poste puisse être pourvu le plus rapidement possible.

Tout au long du mandat de M. Dion, il a constaté que Justin Trudeau et plusieurs de ses ministres avaient enfreint les règles d’éthique.

Cela inclut la ministre du Commerce Mary Ng, qui ne s’est pas retirée lorsque son bureau a attribué un contrat à l’un de ses amis.

Également, le député Greg Fergus, secrétaire parlementaire du premier ministre, qui avait écrit une lettre à l’appui de la demande d’une chaîne de télévision au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Les politiciens ne doivent pas écrire de lettres de soutien aux tribunaux quasi judiciaires comme le CRTC, compte tenu de leurs rôles gouvernementaux et de l’influence qu’ils ont.

Un autre exemple concerne Dominic LeBlanc qui a été reconnu coupable d’avoir enfreint les règles sur les conflits d’intérêts en 2018, alors qu’il était ministre des Pêches, pour avoir approuvé un permis de pêche lucratif pour une entreprise dirigée par un membre de sa famille.

En 2021, le ministre des Finances de l’époque, Bill Morneau, a également enfreint les règles sur les conflits d’intérêts en ne se récusant pas lorsque le gouvernement a attribué un contrat à WE Charity, avec laquelle M. Morneau avait des liens.

Également, M. Trudeau avait accepté un voyage sur l’île privée de l’Aga Khan en 2017 alors qu’il était en fonction en tant que premier ministre, violant ainsi la loi. M. Dion l’a de nouveau réprimandé en 2019 pour son rôle dans le scandale SNC-Lavalin.