Les entreprises numériques américaines pressent Joe Biden de les défendre à Ottawa

WASHINGTON — Une coalition du secteur de la haute technologie aux États-Unis exhorte le président Joe Biden à adopter la ligne dure devant l’approche du Canada en matière de services numériques.

La coalition de diverses associations de l’industrie affirme que la taxe proposée sur les services numériques cible injustement les entreprises américaines et va à l’encontre des efforts visant à établir une norme internationale en matière de fiscalité.

Dans une lettre au président Joe Biden, ces entreprises se plaignent également de deux projets de loi actuellement à l’étude au Parlement canadien: le projet de loi C-11 sur la diffusion continue en ligne et le projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne.

Les entreprises américaines préviennent que C-11, qui vise à protéger les fournisseurs de contenu canadien, pourrait se retourner contre eux et, en fin de compte, augmenter les coûts pour les consommateurs.

Et ils craignent que la loi sur les nouvelles en ligne, qui indemniserait les médias d’information et les diffuseurs canadiens, ne viole l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).

M. Biden rencontre le premier ministre Justin Trudeau à compter de jeudi dans le cadre de sa première visite au Canada depuis son arrivée à la Maison-Blanche en janvier 2021.

«Nous craignons que le Canada poursuive un certain nombre de propositions et d’actions problématiques qui pourraient limiter considérablement la capacité des entreprises américaines à exporter leurs biens et services et à concurrencer équitablement sur le marché canadien», indique la lettre.

«Il est essentiel que les États-Unis tiennent le Canada responsable de ses engagements envers l’ACEUM afin d’assurer le succès continu de cet important accord.»

La lettre est signée par 10 associations de différents acteurs dans le secteur des services numériques, avec le soutien notamment de la Chambre de commerce des États-Unis.

Les Américains ciblés ? 

La coalition dénonce d’abord la taxe canadienne «discriminatoire et rétroactive» sur les services numériques qui, selon les estimations des entreprises américaines, permettrait à Ottawa de collecter quatre milliards $ US sur cinq ans, principalement auprès d’entreprises américaines.

La taxe, conçue pour garantir que les géants du numérique paient leur juste part d’impôts dans les pays où ils tirent des revenus sans présence physique, n’entrera en vigueur que l’année prochaine si un nouveau cadre fiscal multilatéral ne prend pas forme d’ici là.

Le Canada a appuyé l’idée d’un «Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices», établi sous les auspices du G20 et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

«L’imposition par le Canada d’une taxe sur les produits numériques créerait un précédent préjudiciable, qui ferait en sorte que d’autres participants au cadre inclusif adopteraient des taxes ciblées de la même manière sur les services numériques américains», indique la coalition dans la lettre au président Biden.

Un tel précédent serait également préoccupant avec la loi sur la diffusion en continu en ligne qui, selon les associations, ressemble à un effort visant à appliquer au support internet un système de réglementation conçu pour le «monde traditionnellement restreint de la radiodiffusion».

S’il est adopté, le projet de loi C-11 «pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la production et la distribution de contenu, et pourrait inspirer d’autres pays à mettre en œuvre des systèmes de préférence de contenu similaires».

Et ils soutiennent que le projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne, qui alimente déjà les tensions entre le gouvernement fédéral et les géants de la technologie comme Google et Meta, semble exclure les entreprises numériques de l’extérieur des États-Unis, ce qui constituerait une violation des termes de l’accord commercial trilatéral nord-américain de libre-échange (ACEUM).

«Il est essentiel que le gouvernement des États-Unis oblige le Canada à respecter ses engagements commerciaux et qu’il souligne le précédent mondial néfaste qui serait créé si le Canada mettait en œuvre ces mesures dans leur forme actuelle.»

Le ministre canadien du Patrimoine, Pablo Rodriguez, a rejeté mercredi l’idée que les projets de loi visent spécifiquement les Américains. «Toute entreprise qui fait ce genre d’affaires est touchée par les projets de loi, qu’elle soit américaine, européenne ou canadienne», a déclaré M. Rodriguez.

«En fait, le gouvernement du Canada ne fait que son travail. Il y a de grandes entreprises de technologie qui disent: ‘Non, non, non, nous n’allons pas vous laisser faire votre travail’. Eh bien, nous le faisons.»