Les géants du numérique doivent payer pour l’information, selon le ministre Rodriguez

OTTAWA — Le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, poursuit son projet de loi obligeant les géants du numérique à payer les médias canadiens pour l’utilisation de leur contenu, pour renforcer les médias, mais aussi pour contrer les fausses nouvelles.

S’exprimant lors d’une conférence virtuelle sur l’avenir de l’information, mercredi, M. Rodriguez a déclaré qu’une nouvelle loi que le gouvernement prépare aidera à préserver les médias indépendants du Canada, qui, selon lui, sont privés de revenus publicitaires et « en crise ».

Le projet de loi sur les nouvelles en ligne créera un cadre permettant aux organes de presse de négocier collectivement des accords équitables avec des plateformes en ligne telles que Google afin de les rémunérer pour l’utilisation de leur contenu.

La ministre du Patrimoine a fait valoir qu’il fallait agir parce que « le secteur de l’information au Canada est en crise. Et cela contribue au déclin de notre société ».

Depuis 2008, 451 organes de presse canadiens ont fermé, dont 64 depuis le début de la pandémie, a-t-il précisé.

« En 2020, les revenus de la publicité en ligne au Canada s’élevaient à près de 10 milliards $, deux plateformes numériques dominantes absorbant plus de 80 % de ces revenus. C’est un pouvoir incroyable sur le marché », a précisé M. Rodriguez.

Le ministre a averti qu’Internet, bien qu’étant une source d’information populaire, avait permis plus de « mésinformation et de désinformation » que jamais auparavant. Les manifestations à Ottawa et partout au Canada au cours des dernières semaines ont fourni des exemples convaincants de fausses nouvelles en ligne, selon lui.

M. Rodriguez a déclaré que des médias dynamiques, professionnels et non partisans où les journalistes posent des questions difficiles — qui peuvent s’avérer inconfortables pour les politiciens — sont essentiels à une démocratie florissante.

Il a expliqué qu’une loi récemment introduite en Australie pour uniformiser les règles du jeu entre les entreprises technologiques et les médias fonctionne et que le Canada prévoit de l’utiliser comme modèle, avec quelques nuances. Le projet de loi, qui sera déposé prochainement, maintiendra le gouvernement « sans lien de dépendance » et le processus, transparent.

Le Canada aurait un régulateur et imposerait un arbitrage si un accord équitable ne peut être conclu entre les médias canadiens et des entreprises comme Google et Meta, anciennement connu sous le nom de Facebook.

M. Rodriguez a dit que les géants du numérique ne voulaient pas de loi, bien que le vice-président des nouvelles de Google, Richard Gingras, ait souligné que le moteur de recherche ne s’opposait pas à la réglementation.

M. Gingras a déclaré lors de la conférence que Google est prêt à « faire sa part », tout en indiquant qu’il était important de « protéger l’Internet ouvert » et le principe de libre liaison entre les sites.

Il a déclaré que Google envoyait du trafic vers des sites d’information d’une valeur d’environ un demi-milliard de dollars par an.

Il a critiqué la loi australienne, affirmant que son modèle d’arbitrage était déséquilibré et imprévisible et il espérait que le Canada proposerait un plan plus pragmatique.

M. Gingras, qui a discuté avec le gouvernement de leurs plans, a évoqué la possibilité d’un fonds auquel les géants du numérique pourraient contribuer pour soutenir les médias canadiens, selon une formule.

John Boynton, vice-président de NordStar Capital, propriétaire du Toronto Star et de dizaines d’autres quotidiens et hebdomadaires, a déclaré que la loi australienne avait entraîné une énorme injection d’argent dans les médias.

Non seulement les médias australiens ont cessé de licencier des journalistes, mais ils disposent désormais de fonds pour recommencer à les embaucher, a-t-il déclaré.

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