Les ressources intermédiaires d’hébergement sont à un point de rupture

QUÉBEC — Le réseau des RI, les Ressources intermédiaires d’hébergement, est «chancelant» et arrive à un «point de rupture», ce qui pourrait mettre en péril les soins à une clientèle de près de 20 000 personnes vulnérables, malades, handicapées, âgées ou toxicomanes.

Près de la moitié des responsables (43 %) de ces installations songent à fermer d’ici à trois ans s’il n’y a pas une hausse substantielle du financement accordé par l’État, déplore l’association qui représente les RI.

«C’est un scénario catastrophe qui risque de se produire», a prévenu la députée libérale Linda Caron, responsable du dossier des RI, qui souligne que cette clientèle qui a des besoins particuliers n’a nulle part d’autre où aller.

«C’est super inquiétant», a-t-elle ajouté, dans une entrevue avec La Presse Canadienne diffusée mercredi.

Les RI reçoivent près de 1,2 milliard $ en financement par an, a précisé le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Alors que la demande de places sera en croissance au cours des prochaines années, l’expansion du réseau des RI est bloquée, au profit de modèles beaucoup plus chers, comme les Maisons des aînés ou des places accordées de gré à gré en Résidences privées pour aînés (RPA).

C’est le constat de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement (ARIHQ), alors que l’organisme s’apprête à renégocier une entente de financement avec le Conseil du trésor, venant à terme le 31 mars.

Le réseau des RI avait formulé une demande d’aide urgente l’an dernier en raison de l’inflation, mais elle n’a pas été entendue par le gouvernement.

«Insécurité et impatience»

«Il y a beaucoup d’insécurité et d’impatience» parmi les gestionnaires des RI, a affirmé le président du conseil d’administration de l’ARIHQ, Carl Veilleux, en entrevue avec La Presse Canadienne.

Le réseau de ces «partenaires hyper importants» est «chancelant», a-t-il ajouté, tandis que Mme Caron affirme qu’il arrive à un «point de rupture», selon elle.

C’est que les coûts d’exploitation, que ce soit l’alimentation, les salaires, les assurances, ont progressé beaucoup plus vite que les indemnités quotidiennes offertes dans l’entente 2020-2025 conclue avec le gouvernement, en raison de l’inflation durant la pandémie.

Une «détresse»

Les coûts ont ainsi explosé et les propriétaires de RI vivent «une détresse financière», a précisé M. Veilleux, en ajoutant que «les marges de manœuvre diminuent».

L’indexation cumulative de la rétribution des RI depuis 2021 pour leurs coûts d’exploitation a été de 15,3 % dans l’Entente nationale, soutient l’ARIHQ. Dans un sondage mené par l’association auprès de ses membres en novembre 2024, ils ont indiqué que leurs coûts d’exploitation ont plutôt augmenté de 36 % pendant cette période.

La charge salariale à elle seule a augmenté de 29 % et néanmoins, les salaires ne sont pas concurrentiels par rapport à ceux du réseau de la santé, malgré une prime d’atténuation.

Pas de développement

Et comme l’indemnité immobilière versée par le gouvernement n’a pas augmenté non plus, elle ne suit plus les coûts de construction de nouvelles unités en RI.

Conséquence: à partir de 2021-2022, le nombre d’appels d’offres annulés pour de nouvelles RI a grandement dépassé le nombre de contrats conclus.

Et donc, le nombre de places annulées surpasse aussi le nombre de places créées. Exemple: 40 places ont été créées en 2023-2024, contre 434 annulées.

On accorde donc des contrats de gré à gré à des RPA pour héberger des personnes qui devraient être en RI et cela coûte beaucoup plus cher, s’inquiète le représentant des RI.

Si des RI ferment par manque de financement sans que d’autres RI ouvrent, alors qu’il faut au moins deux ans pour bâtir un nouveau projet d’unités, «on s’en va vers un mur», prévient Mme Caron, en réclamant une «bonification majeure» du financement.

Pourtant, le modèle des RI «représente un potentiel d’économie considérable», fait valoir M. Veilleux, qui gère lui-même une RI pour les personnes âgées.

À titre d’exemple, le coût estimé d’une Maison des aînés est autour de 1 million $ par porte, tandis qu’il est de 300 000 $ la porte en RI.

«On est le mode d’hébergement le moins cher qui offre le plus haut niveau de qualité», a-t-il assuré, en rappelant que les RI ont été citées comme des modèles pendant la pandémie, pour leurs mesures de contrôle des éclosions et leur bas taux de mortalité.

À la période de questions, mardi, le ministre responsable, Lionel Carmant, a pour sa part laissé entendre qu’il était en discussion «intensive» avec différents regroupements de ressources intermédiaires.

«On travaille avec le ministère sur un plan clair pour rehausser le financement de ces ressources intermédiaires», a-t-il commenté.

«On travaille sur tous les paliers: bureaucratie, cadre de référence et négociation.»

M. Veilleux ne s’est pas risqué à chiffrer précisément ses demandes ou énoncer l’ensemble de ses revendications dans les négociations à venir.

Il a laissé entendre qu’il y a «bonne écoute» des deux ministres responsables, Lionel Carmant aux Services sociaux et Sonia Bélanger aux Aînés, «mais ça a toujours bloqué au Conseil du trésor», un portefeuille détenu par Sonia LeBel.

Elle doit contrôler les dépenses dans un contexte où le déficit du gouvernement devrait atteindre un record de 11 milliards $ en 2024-2025.

Selon les données de l’ARIHQ, il y a 1136 RI au Québec qui offrent un total de 19 639 places. Presque 12 000 d’entre elles sont offertes aux personnes âgées, 3667 aux personnes en déficience intellectuelle, 3757 aux personnes qui ont des troubles de santé mentale.