L’Inde constitue toujours une menace constante d’ingérence étrangère, selon le CSIS

OTTAWA — Le dernier rapport annuel du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) indique que des représentants de l’Inde, y compris leurs agents mandataires au Canada, se livrent à une série d’activités visant à influencer les communautés et les politiciens canadiens.

«Lorsque ces activités sont trompeuses, clandestines ou menaçantes, elles sont considérées comme une ingérence étrangère», précise le rapport.

«Ces activités visent à faire en sorte que les positions du Canada servent les intérêts de l’Inde sur des questions cruciales, tout particulièrement en ce qui a trait à la façon dont le gouvernement indien perçoit les personnes établies au Canada qui appuient la création d’un État indépendant appelé Khalistan.»

Le rapport ajoute que la réélection du premier ministre indien Narendra Modi signifie que la politique indienne continuera de suivre le programme nationaliste hindou mis en œuvre depuis sa première élection en 2014.

«Le premier ministre Modi ainsi que ses principaux ministres et conseillers ont à cœur de renforcer l’influence de l’Inde dans le monde et de contrer toute activité qu’ils perçoivent comme défavorable à l’Inde, au pays et à l’étranger, au nom de la stabilité et de la prospérité de leur pays», indique le SCRS.

Le SCRS souligne que «ce n’est pas d’hier que l’Inde soutient que le Canada sert de refuge aux personnes qui mènent des activités d’opposition à l’Inde». «Le mouvement séparatiste pro-Khalistan, en particulier, est pour l’Inde une importante source de préoccupation, dans la foulée des retombées de l’attentat à la bombe contre le vol d’Air India en 1985 et des activités terroristes qui s’en sont suivies en Inde», peut-on lire dans le rapport.

Ce document est publié alors que le Canada renoue des liens diplomatiques avec l’Inde. Le premier ministre Mark Carney a rencontré son homologue indien au Sommet du G7, mardi, à Kananaskis, en Alberta.

Les deux pays ont alors convenu de reconduire leurs hauts-commissaires respectifs.

En octobre 2024, le Canada a expulsé des agents consulaires et six diplomates indiens, dont le haut-commissaire, après qu’ils ont refusé de coopérer à une enquête policière alléguant que des agents du gouvernement indien avaient mené une campagne ciblée de violence criminelle et de harcèlement contre des citoyens canadiens.

L’Inde a réagi en expulsant six diplomates canadiens, dont le haut-commissaire par intérim. Les deux postes de haut-commissaire sont vacants depuis.

Un an avant l’expulsion des diplomates, le premier ministre de l’époque, Justin Trudeau, et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avaient déclaré disposer de preuves crédibles reliant des agents du gouvernement indien au meurtre, en 2023, du militant sikh canadien Hardeep Singh Nijjar à Surrey, en Colombie-Britannique.

Mercredi marquait le deuxième anniversaire de cet assassinat.

Quatre ressortissants indiens ont été accusés de meurtre au premier degré et la procédure judiciaire est toujours en cours.

Lors d’une conférence de presse à Kananaskis mardi soir, M. Carney n’a pas répondu à la question de savoir s’il avait évoqué le meurtre de M. Nijjar avec M. Modi.

Des «conversations difficiles» avec Modi

Le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree, a déclaré que le Canada a eu des «conversations difficiles» avec le gouvernement indien et que celles-ci se poursuivront.

«Il est impossible qu’un pays tiers puisse entrer au Canada et participer, par l’intermédiaire de mandataires, à l’assassinat d’un Canadien. Nous avons exprimé nos préoccupations pendant de nombreux mois et nous continuerons de le faire», a affirmé M. Anandasangaree à la fin de la réunion du caucus libéral, mercredi.

«Il s’agit d’une enquête indépendante menée par la GRC, et je pense que nous devons attendre qu’elle termine son travail», a-t-il ajouté.

M. Anandasangaree a déclaré que le gouvernement canadien condamne toute tentative d’ingérence étrangère et que l’enquête de la GRC sur l’assassinat de M. Nijjar est toujours en cours.

Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, a indiqué mardi qu’il souhaitait que le gang Bishnoi soit désigné comme groupe terroriste. Selon la GRC, ce gang cible les militants séparatistes sikhs au Canada pour le compte du gouvernement indien.

M. Eby a déclaré que le gang était lié à des extorsions et à d’autres crimes contre des membres de la communauté sud-asiatique en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario.

M. Anandasangaree a fait savoir que le gouvernement fédéral n’a pas encore reçu de demande officielle de la part de M. Eby, mais qu’il aimerait en discuter davantage avec lui.

Le ministre a indiqué que les responsables de la sécurité évaluent continuellement les groupes qui pourraient être ajoutés à la liste des entités terroristes du Canada. Il n’a pas précisé si le gang Bishnoi était actuellement envisagé.