PL89: Boulet se dit ébranlé; Magali Picard nie tout appel à l’intimidation
MONTRÉAL — Le ministre du Travail, Jean Boulet, se dit ébranlé et perçoit «des sentiments de peur des personnes qui peuvent être autour» de lui, à la suite des propos de la présidente de la FTQ, Magali Picard, au sujet de son projet de loi limitant le droit de grève.
En entrevue à la radio du 98,5 FM jeudi matin, la présidente de la FTQ s’est fait demander par l’animateur si elle allait «traquer» des ministres pour faire valoir son opposition au projet de loi. Et elle a répondu «oui et j’encourage ça».
Elle a toutefois précisé qu’il n’était pas question de se rendre aux résidences personnelles des ministres.
En entrevue avec La Presse Canadienne après, Mme Picard a expliqué que l’expression «traquer» faisait référence à une stratégie syndicale souvent déployée, à savoir organiser des manifestations, des sortes de «comités d’accueil» lors des déplacements officiels des ministres concernés.
Frustrés par son projet de loi, «les travailleurs ont besoin de se faire entendre». Mais, assure-t-elle, «ça va se faire de façon intelligente», sans intimidation.
Plus tôt jeudi, en point de presse à Québec, le ministre Boulet a dit être affecté, ébranlé par le fait qu’«on a parlé de traquer le ministre».
«Faire appel publiquement à la violence et à l’intimidation, ça, je n’ai jamais vu ça. Je suis ébranlé; c’est sûr que ça m’affecte», a-t-il réagi.
«Je sens des sentiments de peur des personnes qui peuvent être autour de mon équipe de travail ou proches de moi», a-t-il ajouté.
«Où ils seront, les travailleurs vont être présents, jusqu’à ce que le gouvernement fasse marche arrière. Que le ministre se sente menacé, inquiet… Je pense qu’on essaie de changer le débat, de mettre le focus et d’en faire des martyrs et des victimes. On ne leur donnera pas cette chance-là. On va le faire d’une façon intelligente et mature», a répliqué Mme Picard.
Quant à l’expression «gros bras», qu’elle avait utilisée lors de sa comparution en commission parlementaire mercredi, elle a dit avoir voulu utiliser une figure de style, reprendre l’image qu’on donne trop souvent aux syndicats, une image de méchants, de gros bras, a-t-elle expliqué.
Elle a aussi rejeté toute accusation d’appel à la violence ou à l’intimidation de sa part. «Jamais on a demandé à nos membres de faire preuve de violence, d’intimidation», s’est-elle exclamée.
Conseillers ressources humaines
Lors des consultations particulières sur le projet de loi, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés a émis d’importantes réserves face au projet de loi, ne voyant carrément pas l’utilité d’imposer l’arbitrage obligatoire, comme veut le faire le ministre. L’Ordre fait valoir que le projet de loi prévoit déjà des «services minimalement requis» lors d’une grève ou d’un lock-out, afin de veiller aux besoins de la population.
Et même sur l’autre aspect du projet de loi, celui qui prévoit des services minimums durant un conflit de travail, l’Ordre se dit ouvert à l’idée, mais seulement si ce mécanisme «est utilisé dans des cas réellement exceptionnels et uniquement sur les services jugés absolument indispensables».
CSQ et APTS
D’autres organisations syndicales sont venues demander de retirer ce projet de loi.
«Est-ce qu’il y a un problème avec les grèves dans le secteur public? La réponse, c’est non», s’est exclamé Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec.
Le projet de loi est ni plus ni moins qu’«une vengeance du gouvernement, alors qu’il n’y a pas péril en la demeure», a-t-il ajouté.
«Vous savez que les enfants ont subi plus de perte d’école à cause des élections, du verglas, des problèmes d’inondations, de toutes sortes d’autres raisons, que les problèmes de grève», a-t-il lancé.
À son tour, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux a conclu que le projet de loi du ministre nuirait à la paix industrielle au Québec, tant il restreint les droits des travailleurs.
Après avoir proposé d’abandonner son projet de loi, l’APTS a suggéré une autre voie: offrir aux syndiqués d’autres moyens de pression «moins perturbateurs que la grève», mais qui permettraient tout de même «un rapport de forces efficace et équilibré».
Elle donne en exemple les moyens de pression administratifs, dans le secteur de la santé et des services sociaux, qui n’affecteraient pas directement les services à la population, mais qui gêneraient les employeurs.
