Projet de loi 15 en santé: Jolin-Barrette fait une contre-offre aux oppositions
QUÉBEC — Le gouvernement Legault essayait toujours, jeudi, d’éviter d’utiliser un bâillon pour adopter sa grande réforme en santé, au moment où le front commun intersyndical reprend son mouvement de grève.
Le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, a fait une contre-offre aux partis d’opposition afin que l’étude détaillée du projet de loi 15 soit prolongée quatre jours la semaine prochaine.
Sa dernière offre, qui avait été rejetée par le Parti québécois (PQ), consistait à ajouter trois jours d’étude en commission, soit lundi, mardi et mercredi prochains, pour une adoption du projet de loi le jeudi 14 décembre.
M. Jolin-Barrette propose cette fois-ci de conclure les travaux et d’adopter la volumineuse pièce législative le vendredi 15 décembre. Il s’agit de négociations exceptionnelles, puisque la session parlementaire prend fin ce vendredi.
Dans un message envoyé à La Presse Canadienne, le porte-parole du PQ en santé, Joël Arseneau, a balayé la nouvelle proposition du gouvernement, en affirmant qu’elle était trop semblable à la dernière.
«C’est une variation sur un même thème. On prolonge le bâillon déguisé d’une journée», a-t-il déploré.
«Nous proposons de convoquer la commission selon la procédure régulière, sans ordre spécial, sans suspendre les règles parlementaires usuelles. Nous refusons l’imposition d’une date butoir par le gouvernement, sous menace de se faire bâillonner.
«Prenons le temps nécessaire pour travailler de manière adéquate, pour le bien des Québécois», a ajouté M. Arseneau.
Plus tôt en matinée, tous les partis d’opposition avaient signalé qu’il restait beaucoup de travail à faire sur le projet de loi 15, qui créerait notamment l’agence Santé Québec et fusionnerait des accréditations syndicales.
Des liasses d’amendements ont d’ailleurs été déposées par le gouvernement dans les derniers jours.
Si les élus précipitent l’adoption du projet de loi 15, celui-ci risque d’être troué d’erreurs, a averti le député de Québec solidaire (QS) Guillaume Cliche-Rivard en point de presse, jeudi matin.
Il a plus tard expliqué qu’il était prêt à poursuivre le travail la semaine prochaine, mais pas à n’importe quel prix.
«Je ne suis pas prêt à dire que je refuse la proposition, a-t-il dit. On va aller siéger, mais pas avec un couteau sur la gorge en disant: « Dépêchez-vous, parce que vendredi, c’est un bâillon »».
Le Parti libéral du Québec (PLQ) a défendu la même position. «Ce n’est pas parce qu’on n’a pas l’esprit des fêtes, là, mais des sapins, dans la législation, on n’en veut pas», a déclaré en point de presse le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay.
M. Arseneau a été plus lapidaire. Il a laissé entendre que les députés n’avaient pas à accommoder un ministre de la Santé pressé d’adopter sa réforme parce que «fatigué».
«C’est épuisant être à la tête du réseau de la santé avec les problèmes qu’on connaît et avec l’effondrement qui se produit devant nos yeux depuis trois ans», a observé M. Arseneau.
«Puis (Christian Dubé) était là pendant la pandémie. Je suppose qu’il est fatigué. Il a travaillé fort au cours du dernier automne, donc visiblement, il veut sortir de commission.
«Moi, je pense que ce sont des raisons personnelles qui peuvent se défendre, mais ce n’est pas la raison d’État, a poursuivi M. Arseneau. La raison d’État, c’est d’adopter le meilleur projet possible.»
Crise sociale
Le député péquiste des Îles-de-la-Madeleine y voit également une manoeuvre gouvernementale plus large.
«Ce sont des procédures irrégulières (…) qui sont concoctées de façon à ce que le gouvernement n’ait pas à porter l’odieux de l’imposition d’un bâillon, en même temps qu’il tente péniblement de régler une crise sociale avec les syndicats», a-t-il affirmé.
«C’est une « game » politique, du marketing politique de la part du gouvernement qui dit: « Je veux imposer le bâillon aux oppositions, mais je veux qu’ils soient consentants ». Nous refusons de jouer dans cette espèce de piège à con que le gouvernement nous a tendu.»
Chose certaine, un bâillon vendredi ne serait pas bien reçu par les syndiqués en grève, selon Robert Comeau, de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).
«Ce serait très mal reçu dans le réseau de la santé et des services sociaux», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Québec visant à faire le point sur les négociations. «Ce serait mal venu», a ajouté Magali Picard, de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ).