Propos racistes: un travailleur victime de harcèlement psychologique

MONTRÉAL — Un travailleur vient de voir sa plainte de harcèlement psychologique accueillie par le tribunal, après avoir subi des propos racistes et blessants de la part du président et du vice-président de l’entreprise.

Dans sa décision, le Tribunal administratif du travail évoque des conduites «hautement vexatoires, blessantes et dénigrantes» envers le travailleur. L’homme avait fini par remettre sa démission en février 2021.

«Les agissements et paroles racistes du président et du vice-président ont incontestablement fait en sorte que le plaignant s’est retrouvé dans un milieu de travail néfaste pour lui», a tranché le Tribunal.

«Ces derniers utilisent des expressions et gestes purement racistes par lesquels ils véhiculent des préjugés fondés sur la race, la couleur de la peau et l’origine ethnique du plaignant. Ils s’adonnent à ce type de comportement et sacrent après celui‑ci, sans aucune gêne ni retenue, et ce, devant les collègues, les employés de production et même devant les fournisseurs externes avec qui le plaignant doit travailler», écrit le Tribunal.

Le travailleur s’est notamment fait insulter par le mot qui commence par n. Le Tribunal relate que le président aurait même dit: «comment on vous appelait déjà dans le passé?», avant de répondre à sa propre question en disant: «ah oui c’est N… ostie de N… C’était pas gentil dans le temps».

Le Tribunal relate que le président aurait aussi mentionné à un groupe que l’un des employés de production avait déjà effectué le travail d’éboueur. Puis il aurait ajouté devant le plaignant: «ça pas d’allure… c’est un travail difficile qui sent pas bon… en principe c’est les Noirs qui font ce genre de métier… c’est pas normal qu’un Blanc fasse ce métier».

Le président et le vice-président de l’entreprise familiale n’ont pas témoigné lors de l’audience devant le tribunal. Ils y ont délégué la directrice des ressources humaines, qui a offert des excuses au plaignant.

Elle a soutenu que l’employeur était dans l’impossibilité de respecter son obligation de faire cesser les conduites vexatoires envers le travailleur, puisqu’il ne lui en a jamais fait part.

Le Tribunal n’a pas accepté cette version. «Les conduites vexatoires en l’espèce proviennent des deux personnes détenant la plus haute autorité chez l’employeur. Dans le contexte où ces dernières ne pouvaient ignorer que leurs propos et leurs comportements tenus à l’égard du plaignant étaient inacceptables, l’absence de dénonciation ne fait pas obstacle à la présente plainte».

Le Tribunal souligne aussi le courage du plaignant. «Il y a lieu de souligner le courage dont ce dernier a fait preuve en témoignant de ces comportements harcelants subis durant plusieurs années. Impossible d’en dire autant au sujet des deux harceleurs, qui au contraire, n’ont même pas daigné se présenter à l’audience.»

Le travailleur estime que les propos blessants ou insultants avaient débuté à l’été 2017. À l’été 2018, il s’était confié des difficultés vécues à l’associé du président, qui lui avait offert de lui en parler. À la suite de cette intervention, le président lui avait dit: «je m’excuse si tu l’as mal pris». Mais les paroles répréhensibles avaient continué.

Un autre travailleur avait bien essayé d’intercéder en faveur de l’homme, en disant au président que ses propos étaient inacceptables, mais il s’était fait rabrouer. «Le président s’énerve et lui demande de se taire en lui rappelant qu’il est le patron et qu’il peut bien dire ce qu’il veut», rapporte le Tribunal.

L’entreprise n’était pas dotée d’une politique pour contrer le harcèlement psychologique.

Le Tribunal déclare donc que le travailleur a été victime de harcèlement psychologique, que l’employeur n’a pas respecté ses obligations prévues à la Loi sur les normes du travail.

Il conclut que la réintégration du travailleur est impossible. Pour ce qui est de la suite des choses, le Tribunal a réservé ses pouvoirs pour déterminer les mesures de réparation appropriées.