Un tribunal autorise une action collective contre l’isolement cellulaire au Québec

MONTRÉAL — Un juge de la Cour supérieure du Québec a autorisé une action collective au nom des prisonniers fédéraux au Québec qui ont été détenus dans des unités d’isolement pendant plus de 15 jours après novembre 2019.

Les avocats de Daniel Fournier, le représentant des plaignants, affirment qu’il a été soumis à un traitement cruel et inusité lorsqu’il a été détenu dans des «Unités intensives de sécurité» (UIS) pendant 40 jours consécutifs en 2019 et 2020, sans jamais savoir quand il serait remis en liberté dans la population générale.

Le transfert a «suscité la manifestation de symptômes dépressifs et une augmentation de ses crises d’anxiété; de telle sorte qu’il nécessite aujourd’hui un suivi psychologique», ont écrit les avocats de M. Fournier, Justin Wee, Justine Monty et Alain Arsenault dans leur demande d’action collective. 

«Les détenus placés en isolement cellulaire peuvent souffrir de troubles psychologiques et physiques qui peuvent se prolonger sur le long terme et être irréversibles, et ce dès le premier jour d’isolement, écrivent-ils. L’isolement prolongé a des conséquences négatives sur la réintégration du détenu dans la population carcérale, sur sa réinsertion et accroît le risque de récidive». 

Le gouvernement fédéral s’est opposé à l’autorisation de l’action collective, déclarant au tribunal que M. Fournier n’avait aucun motif de poursuite en tant qu’individu, et encore moins dans le cadre d’une action collective.

Les avocats du ministère de la Justice ont fait valoir que des changements importants avaient été apportés aux unités d’isolement en novembre 2019 après que les tribunaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario ont conclu que l’isolement cellulaire pendant plus de 15 jours était inconstitutionnel.

Des documents judiciaires indiquent qu’ils ont déclaré que les détenus placés dans les nouvelles installations, appelées «Unités intensives de sécurité», peuvent passer quatre heures par jour à l’extérieur de leur cellule, dont deux heures au cours desquelles ils ont la possibilité d’interagir avec d’autres personnes. Cela signifie, ont-ils soutenu, que le nouveau système n’implique pas l’isolement cellulaire – défini par les Nations unies comme étant seul dans une cellule pendant au moins 22 heures par jour – et que même des périodes prolongées dans une UIS sont constitutionnelles.

M. Fournier, qui purge actuellement une peine de 14 ans pour vol qualifié et utilisation d’une fausse arme à feu dans la perpétration de ses crimes, a été transféré dans une UIS après avoir menacé de se faire du mal et de faire du mal à autrui.

Puisque la prison à sécurité moyenne où il était détenu n’avait pas d’UIS, il a été placé dans une Aire de déplacement restreint – un type de confinement avec des conditions similaires à l’UIS – pendant trois jours avant son transfert dans une prison à sécurité maximale où il passerait encore 37 jours dans une UIS.

Le gouvernement a fait valoir qu’il avait été placé dans un établissement séparé en raison de ses propres actions et qu’il était généralement autorisé à passer quatre heures par jour en dehors de sa cellule.

Parmi les éléments de preuve présentés par les avocats de M. Fournier, plusieurs rapports ont révélé que les nouvelles normes ne sont pas respectées. Selon l’un des rapports, près de 80 % des détenus des UIS étaient régulièrement dans l’impossibilité de passer quatre heures à l’extérieur de leur cellule chaque jour et près de 40 % n’avaient jamais eu quatre heures à l’extérieur de leur cellule.

Dans sa décision du 28 juillet autorisant l’action collective, le juge Christian Immer a conclu qu’il y avait des questions discutables quant à savoir si les périodes de détention dans une UIS ou Aire de déplacement restreint de plus de 15 jours violaient les protections de la Charte contre les peines cruelles et inusitées.

Il a également conclu qu’il y avait des questions quant à savoir si ces périodes de détention violaient le Code civil du Québec. Mais il a rejeté une partie de la poursuite qui soutenait que les périodes d’isolement avaient violé les droits de M. Fournier à la vie, à la liberté et à la sécurité d’une personne garanties par la Charte. 

L’action collective, qui sera maintenant entendue sur le fond, comprend tous les prisonniers fédéraux du Québec qui ont été détenus dans une UIS ou placés dans une Aire de déplacement restreint pendant plus de 15 jours consécutifs après l’entrée en vigueur du nouveau système le 30 novembre 2019.