Exploitation forestière: les Atikamekw de Wemotaci mettent Québec en demeure

MONTRÉAL — Le Conseil des Atikamekw de Wemotaci (CAW) a mis en demeure le gouvernement du Québec jeudi, à cause de l’exploitation forestière sur son territoire ancestral non cédé.

Les mesures actuelles de consultation «ne sont que de la poudre aux yeux qui sert les intérêts du Québec», a déclaré le chef François Néashit, en conférence de presse à Trois-Rivières.

Il a affirmé qu’à l’étape où sa communauté est consultée sur de nouveaux projets, il est déjà trop tard pour apporter des changements significatifs.

C’est le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) qui «détermine quel territoire va servir à quoi», a expliqué Me Jacynthe Ledoux, avocate du CAW, durant la conférence. S’il décide qu’une zone sera utilisée pour de la coupe de bois, «il n’est plus possible de remettre en question la vocation de ce territoire-là», ou même la quantité d’arbres qui seront abattus, a-t-elle déploré.

«L’impact est très important sur le mode de vie des Atikamekw de Wemotaci», a témoigné le chef Néashit. «Les animaux déménagent, et on n’entend presque plus certains oiseaux non plus.» Les activités traditionnelles sont menacées par la déforestation, notamment la disparition progressive du bouleau, utilisé pour son bois, mais aussi son écorce.

Il espère que Québec vienne s’asseoir autour d’une table de négociation sans avoir à passer par les tribunaux.

«Nous ne sommes pas contre l’exploitation forestière, a-t-il dit, mais nous n’avons jamais renoncé à ce territoire ni à notre droit de contrôler son utilisation.»

Mais ce n’est pas le seul enjeu dans le rétroviseur de Wemotaci, qui s’inquiète aussi du «nombre de baux de villégiature octroyés sur le territoire ancestral des Atikamekw», a ajouté Me Ledoux.

Il s’agit de permissions, distribuées par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, pour installer par exemple des chalets ou des camps de chasse.

Contrairement au cas de l’exploitation forestière, «il n’y a aucune mention d’une obligation quelconque de consulter les peuples autochtones».

Le MFFP et le cabinet du ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, n’ont pas immédiatement répondu aux messages de La Presse Canadienne.

Vent d’appui

«Le gouvernement du Québec récolte ce qu’il a lui-même semé», a commenté le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard. «Il a semé l’indifférence, il récolte des gestes comme celui qui est posé aujourd’hui par Wemotaci et qui pourrait facilement être multiplié dix, quinze, vingt fois.»

Il a annoncé que les chefs membres de l’APNQL «ont voté unanimement une résolution d’appui à la démarche de Wemotaci» et pour «soutenir politiquement les efforts de toute autre Première Nation». 

Selon lui le Québec ne devrait pas être surpris «si ce geste-là est suivi par d’autres gestes d’autres Nations et communautés» qui vivent une situation semblable.

Un long combat

Le Conseil de la Nation Atikamekw, qui regroupe les communautés de Wemotaci, Manawan et Opitciwan, négocie depuis plus de 30 ans avec Québec au sujet de la reconnaissance de son territoire ancestral non cédé, le Nitaskinan, qui englobe presque toute la Mauricie.

Les demandes faites jeudi ne concernent que le Wemotaci-Aski, un espace plus restreint.

En 2014, la Cour suprême du Canada a jugé que la Colombie-Britannique ne pouvait pas permettre la coupe forestière sur le territoire non cédé de la Nation Tsilhqot’in sans le consentement de cette dernière. Cette décision a créé un précédent pour l’ensemble du Canada.

La même année, le Conseil de la Nation Atikamekw a fait une sortie publique pour déclarer sa souveraineté sur le Nitaskinan et sur l’exploitation de ses ressources.

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.