François Legault demande à la police de démanteler le campement à McGill

Le premier ministre François Legault demande à la police d’intervenir concernant le campement propalestinien à l’Université McGill. 

«Je vais quand même laisser les policiers décider quand et comment ils font ça, mais les campements doivent être démantelés», a-t-il dit en point de presse à l’Assemblée nationale, jeudi. 

Le premier ministre a fait cette demande même si la Cour supérieure du Québec a rejeté mercredi une demande d’injonction pour déplacer le campement érigé depuis samedi. 

François Legault a dit que le campement était «illégal» et que «la loi doit être respectée».  

Les manifestants exigent que McGill, ainsi que l’Université Concordia, située à proximité, coupent leurs liens financiers avec des entreprises qui, selon eux, «profitent du génocide» à Gaza. Ils souhaitent également que l’université coupe tous les liens avec certaines institutions israéliennes.

«Les gens peuvent montrer leur position lors de manifestations. Ça, c’est légal. Mais ils ne peuvent pas faire des camps sur le terrain d’une université», a dit le premier ministre. 

Le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, a rabroué le premier ministre Legault au sujet de sa déclaration. «Les décisions opérationnelles des polices sont toujours leurs décisions indépendamment des politiciens. C’est toujours le cas dans une démocratie comme la nôtre. (…) Ça nous sépare des autres pays où on ne respecte pas la règle de droit, donc c’est extrêmement important», a-t-il dit à son arrivée au parlement canadien jeudi.

Pendant ce temps, le porte-parole de la police de Montréal Jean-Pierre Brabant a affirmé jeudi que la police «évaluait toujours» la situation à McGill.

Il a indiqué que jusqu’à présent, le campement s’est déroulé dans le calme et qu’il n’est pas dans l’intérêt de la police ou de la Ville d’intervenir immédiatement.

Jeudi, sur le site du campement, des militants pro-israéliens et propalestiniens ont organisé des manifestations opposées de chaque côté de la clôture menant au terrain inférieur de l’Université McGill, avec des dizaines de policiers formant une ligne pour s’assurer que les deux groupes restent séparés.

Dans une déclaration écrite envoyée aux médias jeudi soir, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dit avoir pris acte de la décision rendue par la juge Masse de rejeter la demande d’injonction de deux étudiants de McGill, «en raison de l’absence de démonstration d’une urgence». 

«Le SPVM suivra de près les débats judiciaires entourant ce litige», poursuit la déclaration.

La police de Montréal dit demeurer à l’affût de l’évolution de la situation, «en maintenant la communication avec l’Université McGill et les manifestants». Le SPVM souligne que le rôle des policières et des policiers dans une telle situation est d’«assurer la paix, le bon ordre, la sécurité des personnes, et ce, dans le respect des droits et libertés».

Les dirigeants de l’université avaient demandé mardi l’assistance de la police, estimant avoir échoué à persuader les manifestants de mettre fin à ce qu’ils ont qualifié d’action illégale.

Les ministres Pascale Déry (Enseignement supérieur) et François Bonnardel (Sécurité publique) n’ont pas voulu commenter la situation jeudi. 

Peu de temps après la déclaration du premier ministre, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a écrit sur le réseau social X que le «droit de s’exprimer et de manifester est fondamental, mais il faut absolument préserver le caractère pacifique de Montréal». 

«Le SPVM est présent dans le secteur de l’Université McGill pour faire respecter ce principe. Notre métropole valorise la paix, l’écoute et l’inclusion. À Montréal, il est possible de s’exprimer dans le respect des droits et des lois. Nous devons toutes et tous défendre ces valeurs communes», a-t-elle indiqué. 

«Tension avec la liberté d’expression»

Le professeur de droit à l’Université Laval Louis-Philippe Lampron a été surpris des déclarations du premier ministre Legault et croit qu’il aurait dû faire preuve de plus de réserve. 

«La question de l’intervention des forces policières pour démanteler le campement dans un contexte où, jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas de risque sérieux pour la sécurité de qui que ce soit (…) Il y a un vrai enjeu de tension avec la liberté d’expression», soutient-il en entrevue avec La Presse Canadienne.

«Que le premier ministre mette de la pression sur le SPVM en disant:  »Enlevez-moi ça ce camp-là », c’est vraiment très particulier», ajoute le professeur. 

Il rappelle que les universités sont des créatures hybrides. «Ce sont des entités privées pour la plupart, sauf les UQ, mais qui poursuivent une mission d’intérêt public. Cette nature hybride fait en sorte que le droit classique (…) ne peut pas s’appliquer à l’université de la même manière que dans d’autres institutions publiques ou privées», soutient-il. 

Louis-Philippe Lampron ajoute que les «règlements de McGill doivent respecter la Charte québécoise qui protège le droit de manifester». 

Avec des informations de Morgan Lowrie à Montréal et de Michel Saba à Ottawa