La présidente d’Unifor parle de la fenêtre d’opportunités pour les travailleurs

TORONTO — Un an jour pour jour après son élection à la présidence nationale d’Unifor, Lana Payne avait des mots forts pour les dirigeants de General Motors, Ford et Stellantis.

Alors que le syndicat entamait des négociations avec le trio de grands constructeurs automobiles, connus sous le nom de «Detroit Three», Mme Payne a clairement indiqué que les attentes des travailleurs avaient augmenté parallèlement au coût de la vie.

«C’est le moment que nous vivons», a-t-elle déclaré aux journalistes et aux membres du syndicat, quelques heures seulement après avoir serré la main des représentants de chaque constructeur automobile pour signaler le début des négociations.

«Et personne, personne, ne devrait le sous-estimer», a-t-elle ajouté. 

Les dernières années ont conduit à ce moment critique. Après la pandémie de COVID-19, l’inflation vertigineuse, la hausse des bénéfices des entreprises et une succession stupéfiante de hausses des taux d’intérêt, Unifor, comme d’autres syndicats, subit une pression intense pour obtenir plus aux travailleurs : plus de salaires, plus d’avantages sociaux, plus de stabilité.

«Lorsque on est le plus grand syndicat du secteur privé au pays, les attentes sont grandes quant à ce qu’on peut être capable d’accomplir à la table de négociations», a déclaré Larry Savage, professeur au département d’études sociales de l’Université Brock, en Ontario. 

Depuis qu’elle a pris les rênes du syndicat en août dernier, Mme Payne a supervisé une grève très médiatisée des travailleurs des épiceries Metro dans la région du Grand Toronto, a annoncé une campagne de syndicalisation pour les employés d’Amazon à Vancouver, et a lancé des négociations pour les travailleurs de l’automobile, un secteur clé pour Unifor, alors qu’il envisage de s’assurer une place dans la transition verte.

S’exprimant depuis le siège social du syndicat à North York, deux jours après le début de la grève de Metro, Mme Payne a affirmé que c’est une période inspirante pour faire partie du mouvement ouvrier.

«On se bat pour des moments comme celui-ci, où vous pouvez avoir une ouverture pour créer un changement durable pour les travailleurs», a-t-elle dit.

Au milieu de la pression pour faire des gains réels, Mme Payne est également sous une autre pression unique. Elle est la première femme à diriger Unifor et sa deuxième présidente, remplaçant un dirigeant plus grand que nature dont l’héritage pèse lourd, malgré sa carrière qui s’est terminée par un tourbillon de scandales.

Jerry Dias était un acteur familier de la scène politique canadienne, ayant fait son apparition au sein des Travailleurs canadiens de l’automobile avant qu’il ne fusionne avec le syndicat des communications, de l’énergie et du papier pour devenir Unifor en 2013. Parmi les plus grandes victoires de M. Dias se trouve l’obtention d’investissements pour l’industrie automobile canadienne par le biais de négociations avec les «Detroit Three», et en aidant à sauver une usine de General Motors à Oshawa. Il a aussi été consultant lors des négociations de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) qui a remplacé l’ALENA.

Mme Payne, une ancienne journaliste, est impliquée dans le mouvement syndical depuis plusieurs décennies, notamment en tant que présidente de la Fédération du travail de Terre-Neuve-et-Labrador et en tant que directrice régionale de l’Atlantique chez Unifor.

Elle a succédé à M. Dias qu’il a quitté le poste avant la date prévue de sa retraite, alors qu’il faisait l’objet d’une enquête pour avoir prétendument accepté un pot-de-vin. Une enquête policière n’a abouti à aucune accusation et M. Dias nie les allégations. Des observateurs ont déclaré que le scandale avait mis à nu des problèmes avec la culture du syndicat qui devaient être résolus par la personne qui occuperait le poste le plus élevé.

Mme Payne a battu l’ancien assistant de M. Dias, Scott Dohertym, et Dave Cassidy, président de la section locale 444 d’Unifor, lors de ce qui a été la première véritable élection contestée du syndicat.

M. Cassidy a déclaré qu’il s’attend à en voir davantage dans l’avenir du syndicat.

«Cette époque où l’on donne le tampon à quelqu’un et où quelqu’un est (élu) automatiquement est révolue», a-t-il déclaré. Il n’est pas le seul à le penser. 

«J’ai l’impression que l’époque du bon vieux club d’hommes, ça ne marche plus», a affirmé Shannon Sampson, présidente de la section locale 1 de la Marine Workers Federation d’Unifor, qui a soutenu Mme Payne dans sa campagne.

M. Dias était connu pour la façon dont il a utilisé les avantages politiques du syndicat pour influencer les décideurs et s’exprimer sur les problèmes des travailleurs. 

Mme Payne, était plutôt à l’avant-plan l’automne dernier lors des rassemblements des travailleurs du Syndicat canadien de la fonction publique contre la législation ontarienne rendant sa grève illégale, a détaillé M. Savage, incitant les plus réticents à monter à bord. Le gouvernement provincial a abrogé le projet de loi en novembre, après que des milliers de travailleurs ont quitté leur emploi, soutenus par d’autres syndicats des secteurs public et privé.