L’avocat de Peter Nygard plaide le «récit révisionniste» des plaignantes

TORONTO — Tout le dossier contre Peter Nygard repose sur un «faux récit» créé par des femmes dont le témoignage n’était pas crédible, a soutenu mardi son avocat, tandis que la Couronne a exhorté le jury à rejeter les «dénis catégoriques» de l’ancien magnat de la mode.

L’avocat de la défense, Brian Greenspan, a soutenu lors du procès devant jury pour agressions sexuelles de Nygard, à Toronto, que la thèse de la Couronne était basée sur des «contradictions et des insinuations» qui ne résistent pas au fardeau de la preuve «hors de tout doute raisonnable», qui incombe à la poursuite. L’avocat a plaidé qu’une grande partie de ce qui avait été dit au sujet de son client devant le tribunal était «un récit révisionniste».

«Vous ne pouvez pas, vous ne devez pas agir sur la base de spéculations ou de soupçons», a déclaré M. Greenspan au jury, en exposant ses arguments en faveur de l’acquittement de Nygard.

Même si M. Greenspan a déclaré qu’il était «possible» que son client ait interagi avec les femmes dont Nygard a déclaré qu’il n’avait aucun souvenir, «ce qui ne s’est jamais produit, ce sont les agressions sexuelles décrites par les plaignantes».

La procureure adjointe de la Couronne, Ana Serban, a quant à elle affirmé que Nygard était «évasif», incohérent et peu fiable lorsqu’il a témoigné pour sa propre défense, et que les cinq plaignantes au procès ont toutes raconté de manière indépendante des histoires similaires sur la façon dont elles auraient été agressées sexuellement par lui.

«Ces similitudes défient toute coïncidence. Peter Nygard est coupable», a soutenu Mme Serban au jury dans les conclusions finales de la Couronne.

Nygard, âgé de 82 ans, fondateur d’une entreprise de mode pour dames aujourd’hui disparue, a plaidé non coupable de cinq chefs d’accusation d’agression sexuelle et d’un chef de séquestration, relativement à des événements qui auraient eu lieu depuis les années 1980 jusqu’au milieu des années 2000.

Plusieurs plaignantes ont affirmé au procès qu’elles avaient été invitées au siège social de Nygard à Toronto sous des prétextes allant de visites de courtoisie à des entretiens d’embauche. Ces rencontres se terminaient dans une chambre au dernier étage, où elles soutiennent avoir été agressées sexuellement par l’accusé.

Nygard a nié ces allégations. En témoignant pour sa propre défense, il a notamment soutenu qu’il ne se souvenait pas d’avoir rencontré ou interagi avec quatre des cinq plaignantes.

Lors de son contre-interrogatoire, la Couronne a suggéré des incohérences et des contradictions entre le témoignage de Nygard à la police en 2021 et son témoignage au procès, notamment à propos de l’aménagement et du contenu de sa suite privée. 

Mme Serban a soutenu mardi que le témoignage de Nygard «se résume simplement à : “Je ne m’en souviens pas, mais cela ne se serait pas produit de cette façon”».

Elle a déclaré que Nygard détournait les questions lors du contre-interrogatoire et «se distanciait» des éléments de preuve qui confirmeraient les affirmations des plaignantes.

«Les dénis catégoriques de Peter Nygard ne vous laissent aucun doute raisonnable», a-t-elle plaidé au jury.

Des secrets impossibles à garder

L’avocat de Nygard a déclaré mardi que son client était un homme d’affaires assidu qui menait une vie très publique. «Au début de ce procès, l’accusation a tenté, selon nous, de présenter un faux récit, de décrire Nygard comme un prédateur diabolique», a plaidé Me Greenspan. Il a soutenu que cette description du personnage était «injuste et inexacte».

«Sa vie n’était ni cachée ni secrète. Ses espaces de travail non plus. Ses maisons non plus. Ses quartiers privés non plus, a-t-il dit. Son style de vie était ouvert et transparent.»

Me Greenspan a soutenu qu’il serait alors «inconcevable qu’une personne aussi publique» se livre à une inconduite sexuelle violente «et parie sur l’espoir» que les victimes seraient trop intimidées par sa richesse et sa position dans la société pour le dénoncer.

L’avocat a passé en revue les détails de toutes les accusations portées contre Nygard, arguant que dans chaque cas, le témoignage de la plaignante n’était pas fiable ou véridique, qualifiant parfois des allégations spécifiques de «pure absurdité» ou de «tout simplement absurde» — comme une allégation selon laquelle Nygard aurait attiré l’une des femmes en partie en lui proposant de «tripler son salaire» si elle venait travailler pour lui.

Cependant, la procureure adjointe de la Couronne a soutenu que même si certaines des femmes qui ont témoigné se sont peut-être trompées sur des détails spécifiques de l’intérieur du siège social de Nygard à Toronto, comme l’emplacement d’un aquarium, l’existence d’un grand escalier ou le nombre de télévisions dans la suite privée, elles étaient toutes crédibles à la barre des témoins et leur témoignage dans leur ensemble «faisait sens».

Mme Serban a également noté que certaines des plaignantes ont parlé peu de temps après à des membres de leur entourage des prétendues agressions sexuelles, ajoutant ainsi encore plus de crédibilité à leurs affirmations.

M. Greenspan a suggéré que certaines des plaignantes étaient motivées par une action collective contre Nygard aux États-Unis, dans le cadre de ce qu’il a appelé une «quête d’or». La Couronne a contesté ces dires, affirmant que les femmes n’étaient pas motivées par un «gain économique» et que le litige civil n’avait aucune incidence sur l’affaire pénale.

Le jury devrait commencer à délibérer sur son verdict dans cette affaire mercredi.