Le coroner enquêtera sur le suicide d’un élève-officier au collège de Kingston

OTTAWA — Le coroner de l’Ontario mènera une enquête sur le décès d’un élève-officier qui s’était suicidé alors qu’il fréquentait le Collège militaire royal de Kingston, l’an dernier.

Absar Chaudhry, âgé de 21 ans, a été retrouvé mort le 30 novembre dernier dans son dortoir de l’établissement universitaire des Forces armées. Son décès a été attribué à un suicide. 

Selon des documents déposés au tribunal en avril par les avocats de la famille, l’élève-officier de troisième année au collège militaire excellait dans ses études, jusqu’à ce qu’il abandonne ses cours plus de deux semaines avant sa mort. Il avait également demandé un congé sans solde, ce qui a surpris ses parents.

Leur avocat, le colonel à la retraite Michel Drapeau, avait demandé plus tôt cette année au coroner d’examiner l’affaire. La famille estimait que les Forces armées canadiennes n’avaient pas répondu à toutes ses questions sur ce qui avait poussé le jeune homme à s’enlever la vie au collège. 

Me Drapeau a salué la décision du bureau du coroner, qualifiée de rare et de bienvenue. «Grâce aux témoignages et aux preuves qui pourront être présentées par les militaires et par les membres de la famille, ils espèrent qu’ils pourront arriver à mieux comprendre pourquoi ce décès s’est produit», a-t-il déclaré lundi dans une entrevue.

Dans une déclaration écrite, un porte-parole du ministère de la Défense nationale a affirmé que, tout comme les Forces armées canadiennes, Ottawa accueille favorablement «tout examen supplémentaire qui aiderait à déterminer les causes du décès de l’élève-officier Absar Chaudhry».

Le ministère a également déclaré qu’une commission d’enquête interne sur la mort de M. Chaudhry commencera à interroger des témoins dans les semaines à venir, et que la famille pourra participer à ces travaux.

Ce processus n’est toutefois pas transparent et l’armée n’accorde pas à la famille le statut d’intervenant. Les membres de la famille ne pourront pas, par exemple, entendre certains témoignages et s’ils étaient appelés à témoigner, ils ne seraient pas autorisés à être accompagnés d’un avocat. «Cela sert les intérêts des Forces armées canadiennes, pas du public», a estimé Me Drapeau.

Par contre, l’enquête du coroner sera ouverte et impartiale, et donnera l’occasion à d’autres élèves-officiers de parler de leurs expériences au collège, a souligné le colonel à la retraite. «La famille veut s’assurer qu’aucune autre personne ne traverse la même terrible épreuve.»

Environnement «toxique» 

La commission d’enquête de l’armée n’a pas pour mandat d’explorer le rôle que la culture au Collège militaire royal a pu jouer dans la mort de l’élève Chaudhry.

Dans des documents judiciaires déposés en avril, la famille soutenait d’ailleurs que l’armée n’avait pas donné suite à une série de rapports accablants sur le collège de Kingston ces dernières années.

Le plus récent, rédigé par l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour, concluait notamment, en mai 2022, que la culture au collège militaire était la principale source d’abus de pouvoir et qualifiait cet environnement universitaire de «toxique».

Un rapport de 2015 de Marie Deschamps, elle aussi ancienne juge à la Cour suprême, décrivait une culture de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles au sein de l’armée canadienne. Un rapport du vérificateur général de 2017 estimait que la structure de gouvernance du collège était inadéquate et que l’école n’offrait pas de formation efficace en leadership militaire.

Les parents d’Absar Chaudhry avaient déposé ces documents judiciaires en Cour fédérale le printemps dernier dans l’espoir qu’un juge leur accorde le statut d’intervenant devant la commission d’enquête militaire. Ils ont depuis abrogé cette requête, en attendant l’enquête du coroner.

Mais la famille Chaudhry devra s’armer de patience: cela pourrait prendre des années avant que l’enquête du coroner soit terminée et qu’un rapport soit publié. 

Par contre, ce sera la première fois que le Collège militaire royal fera l’objet d’une enquête publique, a déclaré Me Drapeau, ce qui apporte un peu de baume à la famille. «Cela donne un peu de temps pour, sinon guérir, du moins faire son deuil.»

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Si vous ou quelqu’un que vous connaissez pensez au suicide, un soutien est disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 en appelant Parlons suicide Canada (1-833-456-4566) ou en textant au numéro 45645 le soir. Les résidants du Québec peuvent rejoindre le Centre de prévention du suicide au 1-866-APPELLE (1-866-277-3553) ou visiter suicide.ca pour obtenir de l’aide par texto et par clavardage.