L’innovation dans le secteur de la construction doit être stimulée, selon des experts

OTTAWA — La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a averti que des millions de logements doivent être construits en moins d’une décennie pour équilibrer le marché, même s’il semble douteux que son propre objectif soit réalisable.

Le rythme actuel des mises en chantier n’est pas seulement à la traîne: il va dans la mauvaise direction.

L’an dernier, la SCHL a déclaré que 5,8 millions de logements devraient être construits d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité du marché pour les Canadiens. Le rythme actuel de construction ne permettrait que de construire 2,3 millions de logements d’ici là.

La SCHL a affirmé, mercredi, que le rythme annuel des mises en chantier de logements avait chuté de 10% en juillet par rapport à juin, alors qu’ils avaient affiché leur meilleur résultat jusqu’à présent cette année.

Le taux annuel désaisonnalisé des mises en chantier en juillet s’établit à 254 966 unités, comparativement à 283 498 le mois précédent.

L’économiste en chef adjoint de la SCHL, Aled ab Iorwerth, a évoqué que même si la société travaille toujours sur des chiffres mis à jour sur le nombre de maisons à construire pour rétablir l’abordabilité, les données ne sont pas encourageantes.

«Pour le moment, nous prévoyons que moins (de maisons) seront construites d’ici 2030 que nous ne l’avions prévu l’année dernière», a affirmé M. Iowerth dans une entrevue.

Il y a une foule de raisons pour lesquelles le Canada ne construit pas assez de maisons.

Dans l’immédiat, les taux d’intérêt élevés pèsent lourdement sur le secteur de la construction. La pénurie de main-d’œuvre et les pratiques de construction obsolètes sont également à l’origine de goulots d’étranglement.

Des experts politiques de premier plan, ainsi que des défenseurs et des représentants de l’industrie, demandent au gouvernement fédéral de jouer un rôle de chef de file et d’aider à accélérer le rythme de construction.

Un rapport, publié mardi, recommande qu’Ottawa crée une stratégie industrielle sur le logement dirigée par des constructeurs privés et publics, des experts, des investisseurs ainsi que des groupes de travailleurs.

Le rapport a été publié grâce à la collaboration entre l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance, l’Institut pour l’IntelliProspérité et REALPAC, un groupe national de l’industrie immobilière.

«Nous avons une stratégie industrielle pour tout, des lentilles à l’aérospatiale, mais nous n’en avons pas pour la construction de logements, malgré le fait qu’il s’agit d’une si grande part de notre économie, et cela va être absolument nécessaire», a clamé Mike Moffatt, directeur principal des politiques et de l’innovation à l’Institut pour l’IntelliProspérité. 

Une stratégie industrielle définit généralement un plan sur la manière de développer une certaine partie de l’économie d’un pays.

Le rapport appelle également à une stratégie nationale de main-d’œuvre et d’immigration sur le logement, alors que l’industrie de la construction prévient qu’une vague de départs à la retraite se profile et menace de ralentir encore plus la construction.

Kevin Lee, le président-directeur général de l’Association canadienne des constructeurs d’habitations, a déclaré que 20% de la main-d’œuvre devrait prendre sa retraite au cours de la prochaine décennie.

«Cela dure depuis un petit moment. Et nous avons donc définitivement une pénurie de main-d’œuvre», a expliqué M. Lee.

Bien que les postes vacants dans la construction aient diminué depuis l’an dernier, il y avait 64 315 postes vacants au premier trimestre de cette année, selon Statistique Canada.

Une partie de la solution à la pénurie de main-d’œuvre consiste à tirer profit de l’immigration pour attirer davantage de travailleurs qualifiés dans le pays, selon des experts de l’industrie et du logement.

Les dernières cibles d’immigration du gouvernement libéral, annoncées l’automne dernier, visent à faire venir un demi-million de personnes par an d’ici 2025. Le plan a suscité des inquiétudes quant à la pression qu’une forte croissance démographique pourrait exercer sur l’offre de logements.

Toutefois, le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau affirme que les nouveaux arrivants peuvent aider à faire construire plus de maisons.

Il a récemment annoncé des changements au système d’entrée express, qui donneraient la priorité aux gens de métier pour la résidence permanente.

M. Lee convient que l’immigration peut faire partie de la solution aux problèmes de logement au pays.

«Nous devons faire venir au Canada des personnes intéressées à travailler dans la construction résidentielle et qui ont des affinités avec le travail dans la construction résidentielle, a déclaré M. Lee. Et il y a évidemment des gains de productivité que nous devons également réaliser pour aider à construire plus de maisons et ne pas avoir besoin d’autant de personnes.»

M. Moffatt, qui est devenu une voix de premier plan sur la politique du logement dans le pays, mentionne souvent son père lorsqu’il parle de la façon dont l’industrie doit trouver des moyens d’améliorer la productivité.

Il a dit que son père était tôlier dans les années 1960 et 1970. Depuis plus de 50 ans, a affirmé Moffatt, la façon dont son père fait son travail n’a pas beaucoup changé.

«Il n’y a aucun moyen que nous puissions tripler la construction de maisons en faisant simplement tout ce que nous faisons maintenant», a-t-il déclaré.

M. Lee a soutenu qu’il existe une opportunité d’augmenter la productivité en adoptant des méthodes de fabrication en usine. 

La construction de maisons modulaires est l’une des façons dont l’industrie essaie d’innover. Il s’agit de fabriquer des composants hors site et de les assembler comme des blocs de construction.

Cependant, de telles techniques peuvent être risquées, a dit M. Lee. C’est pourquoi l’industrie espère que le gouvernement fédéral pourra offrir des crédits d’impôt et d’autres incitations qui réduiraient le risque financier associé à l’utilisation des nouvelles technologies.