Médias: le Bloc veut un fonds d’urgence de 50 millions $, le NPD est d’accord

OTTAWA — Le Bloc québécois souhaite que le gouvernement de Justin Trudeau lance un fonds d’urgence de 50 millions $ pour les médias, une idée que le Nouveau Parti démocratique (NPD) appuie et à laquelle la ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, ne ferme pas la porte.

«Je pense qu’on a passé l’étape des drapeaux rouges, des boutons d’alarme. On est rendu vraiment sur le bouton de panique. (…) On n’a plus le luxe d’attendre», a lancé mardi le porte-parole bloquiste en matière de culture et communications, Martin Champoux, dans le foyer de la Chambre des communes.

Il a soutenu que l’enveloppe réclamée serait une aide temporaire visant à «arrêter l’hémorragie» et pourrait être versée le plus rapidement possible. Cette «mesure pansement» donnerait aussi, selon lui, du temps au fédéral «pour arriver avec d’autres solutions».

M. Champoux a réitéré ses préoccupations face aux compressions budgétaires dans plusieurs salles de nouvelles au cours des dernières années. Il n’a pas manqué de mentionner la restructuration de TVA annoncée la semaine dernière.

Selon le calcul des bloquistes, le montant de 50 millions $ équivaut à «trois mois» de ce que pourraient être les retombées, pour les médias, de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi C-18, prévue en décembre.

Cette législation, aussi appelée Loi sur les nouvelles en ligne, vise à forcer les géants du numérique tels que Google et Meta à conclure des ententes d’indemnisation avec les médias d’information pour le partage de leur contenu.

«On ne voulait pas (…) arriver avec un chiffre sorti des nuages, puis qui venait de nulle part», a dit l’élu.

Sa formation politique propose aussi la tenue «d’états généraux sur l’avenir des médias».

En mêlée de presse, la ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, aaffirmé que le gouvernement «regarde ce qu’(il) peut faire pour les soutenir davantage dans cette période de transition».

Elle a relevé que des programmes d’aide aux médias existent déjà, bien que le fédéral examine ses options. 

Le porte-parole du NPD en matière de Patrimoine, Peter Julian, a indiqué en entrevue que sa formation politique est en faveur d’un fonds d’urgence pour les médias depuis plusieurs années.

Les conservateurs n’ont, pour leur part, pas répondu à une demande de commentaire de La Presse Canadienne.

«Il n’y a aucun doute que n’importe quel investissement va aider», a dit M. Julian, insistant qu’«il faut aller au-delà» des 50 millions $.

Piger dans des «subventions indirectes»?

Tout comme le Bloc québécois, le NPD aimerait voir des mesures à plus long terme. «Autour de 300 millions $, ça, je pense que ça peut faire en sorte que les médias peuvent survivre», a mentionné M. Julian en faisant référence à C-18.

Celui qui est aussi leader parlementaire néo-démocrate estime que le gouvernement pourrait puiser de l’argent dans ce qu’il qualifie de «subvention indirecte» du gouvernement à Google et Meta.

Des entreprises peuvent obtenir des déductions d’impôt pour certaines dépenses publicitaires, y compris celles payées à ces deux géants du numérique. Selon un calcul approximatif de la Bibliothèque du Parlement partagé par le NPD, «il peut être assumé que le montant de dépenses fiscales associées à de la publicité achetée à Google et Facebook a été d’environ 1 milliard $ en 2021».

50 millions $, pas suffisant

La présidente et directrice générale de CBC et Radio-Canada, Catherine Tait, estime que «sûrement que ça va aider, 50 millions $, mais ce n’est pas suffisant».

«C’est un problème structurel et c’est pour ça qu’on parle des géants du numérique qui ont l’avantage d’un marché mondial. (…)  Ils ont un seul objectif: ce sont les revenus. C’est tout», a-t-elle fait valoir en mêlée de presse à l’issue d’une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Aux yeux de Meta, C-18 est basé «sur l’affirmation fausse voulant que (l’entreprise) bénéficie injustement des contenus d’actualité partagés sur (ses) plateformes», a-t-on rétorqué par le passé.

Google y voit aussi une «prémisse fondamentalement erronée». «En établissant des liens vers des sites de nouvelles comme justification d’un paiement, la loi ne reconnaît pas que la capacité du public à trouver librement et à partager des liens vers du contenu d’actualité en ligne est essentielle à la libre expression, à l’accès à l’information, à la liberté de presse et à des citoyens informés», croit-on.

Questionné par les journalistes sur de possibles mesures d’aide supplémentaires aux médias, le premier ministre Justin Trudeau a répondu que son gouvernement «continue d’être là» pour ceux-ci.

Il en a, à nouveau, fait une question de protection de la démocratie. «C’est réellement inquiétant, mais c’est une des raisons pour laquelle on tient si fort contre les géants du web qui ne veulent pas payer leur juste part aux journalistes qui font ce travail essentiel», a-t-il déclaré en se rendant à la période des questions.

Durant la joute oratoire, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a reproché aux conservateurs et libéraux de continuer d’acheter de la publicité sur la plateforme Facebook, qui appartient à Meta.

«Quel message envoie-t-on aux gens et à Meta qui ne respecte personne?», s’est-il interrogé tout haut.

M. Trudeau ne s’est pas avancé sur la question des publicités. Il a affirmé qu’Ottawa continuera «de défendre les médias contre les géants du web», faisant allusion aux discussions entourant C-18.

«Nous allons continuer de faire tout ce qui est nécessaire pour informer les Canadiens de ça et d’autres enjeux, mais nous avons encore beaucoup de travail à faire», a-t-il dit.

Ottawa s’attend à ce que la législation s’applique à Meta et Google, à condition qu’elles permettent le partage de nouvelles.

Meta mène un blocage depuis août pour les utilisateurs canadiens de ses plateformes, ce qui y empêche la publication de liens renvoyant à des articles ou reportages. Google a menacé de faire de même, mais n’est pas passé à l’action pour l’instant, sauf temporairement, au printemps dernier, pour mener des «tests».

Les publicités gouvernementales sur les plateformes de Meta sont sur pause depuis juillet dernier, en riposte à la décision de la plateforme de fermer le robinet aux nouvelles. Cette suspension ne touche pas les publicités faites par le Parti libéral du Canada.

– Avec des informations de Pierre Saint-Arnaud, à Montréal