Ottawa publie ses directives au CRTC pour réglementer la diffusion continue en ligne

OTTAWA — Le gouvernement libéral a publié mardi son orientation politique finale pour l’application par le CRTC de la Loi sur la diffusion continue en ligne, qui obligera les «géants du web» à contribuer au contenu canadien, mais laissera tranquilles les plus petits créateurs de contenu.

La nouvelle loi vise à moderniser le régime de radiodiffusion au Canada. Le contenu canadien a bénéficié des milliards de dollars apportés par ceux qui diffusent à la télévision, à la radio, par câble et par satellite, mais les Canadiens consomment de plus en plus de contenu en ligne. 

Or, ces services de diffusion en continu tels que Netflix, Amazon, YouTube et Apple, qui diffusent également du contenu commercial, n’étaient pas tenus jusqu’ici de contribuer au contenu canadien.

Le ministère du Patrimoine canadien a publié mardi ses instructions finales au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour mettre en œuvre la nouvelle loi, anciennement connue sous le nom de «projet de loi C-11». 

Ce «décret d’instructions définitif» marque la fin du rôle direct du gouvernement fédéral dans l’application de la loi, avant que le CRTC ne prenne le relais réglementaire. 

Il s’agit en fait de la deuxième tentative du gouvernement libéral pour obliger les grands services de diffusion continue en ligne à suivre les mêmes règles que les «médias traditionnels», et de les faire éventuellement contribuer à soutenir la production audiovisuelle canadienne — musique, cinéma, télé.

«Le secteur doit s’adapter à la situation actuelle du public canadien. Et nous savons que les Canadiens recherchent leurs nouvelles et leur contenu en ligne, a déclaré mardi la ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, de passage à Montréal. Il s’agit d’une étape très importante pour moderniser ce secteur et pour garantir que nos voix canadiennes soient fortes et vivantes dans le monde en ligne.»

L’orientation politique finale, qui est exécutoire, s’appliquera aux services de diffusion en ligne et non aux créateurs de contenu. Cela signifie que ceux qui produisent du contenu sur les réseaux sociaux, des balados ou des jeux vidéo ne seront pas réglementés par la loi, indique le décret.

Le CRTC avait déjà prévenu qu’il ne réglementerait pas les «petits créateurs» de contenu — ceux et celles qui offrent par exemple des tutoriels de maquillage, évaluent des restaurants, font la promotion de leur petit commerce de proximité ou critiquent le gouvernement.

Le ministère du Patrimoine canadien a précisé que la nouvelle loi cible le type de contenu commercial professionnel sous licence comme celui que l’on retrouve dans la radiodiffusion traditionnelle.

Étant donné que la loi fait suite à des années de consultations, le «décret d’instructions définitif» est similaire à la version préliminaire du début de cette année, a indiqué la ministre St-Onge.

«Censure»?

La possibilité que les petits créateurs de contenu tombent sous le coup de cette loi avait suscité de vives réactions, notamment de la part de l’opposition conservatrice à Ottawa, qui a soutenu que cette mesure équivaudrait à de la censure – une affirmation que dément Mme St-Onge.

Les néo-démocrates et le Bloc québécois avaient appuyé le projet de loi.

Bien que la loi ne sera pas mise en oeuvre avant quelques années, elle obligera les services de diffusion continue à contribuer à la création, à la production et à la distribution de contenu canadien en ligne, sans modifier leurs algorithmes. La loi vise aussi à soutenir le contenu autochtone et la programmation originale en français.

Les conservateurs ont promis mardi d’abroger la loi s’ils forment le gouvernement. Ils soutiennent qu’imposer des règles sur le contenu canadien aux services de diffusion continue en ligne équivaut toujours à une ingérence excessive de l’État. 

«Au lieu d’éliminer les barrières et de donner la liberté aux créateurs et aux consommateurs, le gouvernement libéral dit aux talents locaux qu’ils ne réussiront pas s’ils n’obtiennent pas l’approbation des bureaucrates du gouvernement à Ottawa», a estimé la députée conservatrice Rachael Thomas, porte-parole de son parti en matière de patrimoine, dans une déclaration écrite.

Le CRTC est maintenant chargé d’élaborer les règlements de cette loi, un processus qui comprendra d’importantes consultations publiques sur la définition — ou la redéfinition — de ce que l’on entend par «contenu canadien». Le CRTC aura des discussions avec des communautés culturelles, des groupes autochtones et des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Une fois que cette définition aura été établie, le CRTC commencera à déterminer quelles sociétés de diffusion continue en ligne seront assujetties à la loi. Un processus qui prendra aussi quelques années.